Journal de l'année Édition 1985 1985Éd. 1985

Ces bonnes nouvelles desserrent quelque peu les craintes de suréquipement massif que le ralentissement de la consommation d'électricité avait fait naître. Le programme nucléaire ne sera pas totalement arrêté ; mais, tout de même, on ne lancera pas plus d'un (un en 1985) ou deux groupes par an (au lieu de cinq ou six naguère). D'autant que la disponibilité et la productivité des centrales nucléaires déjà en service s'améliorent, ce qui est fort bon pour les finances d'EDF (qui en ont bien besoin), mais qui réduit d'autant le besoin d'équipements supplémentaires... À terme, la « nucléarisation » croissante du bilan énergétique français est porteuse de grands avantages économiques, pour la nation comme pour l'entreprise productrice ; mais, en attendant, le pilotage de la transition s'avère un exercice bien délicat.

La consommation de gaz naturel augmente aussi (+ 6 % en 1983, + 8 % prévus en 1984) et malgré cela Gaz de France éprouve les mêmes difficultés qu'EDF à écouler sa production, et doit stocker. Sa production ou disons plutôt ses disponibilités se sont fortement accrues depuis 1982 par la montée en régime de croisière des fournitures de l'Algérie et, depuis 1984, par l'arrivée de celles de Sibérie. Gaz de France est donc dans le cas d'avoir à négocier une réduction des volumes et des prix inscrits aux contrats, ce qui n'est pas facile avec les Russes, encore moins avec les Algériens. Gaz de France, entreprise naguère bénéficiaire, a d'autant plus intérêt à obtenir des baisses à l'achat que le gouvernement contrôle étroitement le prix de vente de gaz au consommateur, ce qui déséquilibre de plus en plus ses comptes (2,5 milliards de francs de déficit en 1983, 4 milliards prévus en 1984).

Agonie du charbon

Reste, dans ce secteur décidément troublé, un problème bien épineux, celui des mines de charbon : la France, qui a produit après la guerre jusqu'à 60 millions de t de houille et employé jusqu'à 300 000 mineurs, n'en produit plus que 18 millions de t et n'emploie plus que 47 000 mineurs. Une seule mine américaine produit autant de charbon que toutes les nôtres... avec moins de 1 000 travailleurs. Et les Charbonnages de France, accablés de dettes, doivent recevoir chaque année 6,5 milliards de F de subventions. Commencée il y a maintenant près d'un quart de siècle et poursuivie en bon ordre, c'est-à-dire sans qu'on ait jamais recouru à des licenciements, la retraite du charbon en est arrivée au stade final, le plus éprouvant, où il faut mettre la clef sur la porte de la plupart des mines encore en exploitation.

Après l'arrivée de la gauche au pouvoir, le gouvernement avait laissé naître l'illusion que cette tendance pouvait être renversée. La dureté des chiffres (aggravation d'un déficit déjà vertigineux, échec des efforts pour accroître les rendements) l'a peu à peu dissipée. Avec la démission en novembre 1983 du président communiste Georges Valbon et l'adoption en mars 1984, sous la houlette du nouveau directeur général Michel Hug, d'un « plan d'entreprise » révisé, les Charbonnages ont repris, après trois ans d'entracte, la politique de fermeture.

Les efforts déployés pour se diversifier dans l'importation et la fourniture de services assureront peut-être la survie de l'entreprise, mais plus personne ne doute maintenant que, sauf en deux ou trois points où elle pourra se maintenir, l'extraction du charbon est désormais en France une activité du passé.

Jacques Fontaine