Journal de l'année Édition 1985 1985Éd. 1985

Olympisme

L'or de Los Angeles

Peter Ueberroth, avocat, président du comité d'organisation des Jeux de Los Angeles (LAOOC), se taille, en tant que patron du défi olympique américain, une réputation au moins égale à celle de Carl Lewis, quadruple médaille d'or. Il a promis que les Jeux de la XXIIIe olympiade ne coûteraient rien au contribuable. Il tient parole au-delà de toute espérance. Dès la fin du mois de septembre, le comité d'organisation est en mesure d'annoncer un coquet bénéfice de 250 millions de dollars (environ 23,5 milliards de francs). C'est-à-dire dix fois plus que les prévisions les plus optimistes. C'est la première fois que les jeux Olympiques, en général déficitaires, rapportent une telle masse d'argent.
Songeons que les habitants de Montréal paieront des impôts jusqu'en l'an 2000 pour combler le trou de 1 milliard de dollars laissé dans les caisses des Jeux de 1976.

Rentabilité

Pour gagner le pari de la rentabilité, Peter Ueberroth inaugure une formule de sponsoring total. Il fait appel à des firmes privées, qui bénéficient du label de fournisseurs officiels moyennant un coquet droit d'entrée de 4 millions de dollars. Malgré cette prime substantielle, les sociétés n'ont pas le droit de poser de panneaux publicitaires. Libre à elles d'exploiter leur image olympique ailleurs et d'une autre manière.

Mais le trésor de guerre de Peter Ueberroth, c'est la chaîne de télévision ABC qui en fournit l'essentiel. Pour 225 millions de dollars, ABC achète l'exclusivité des retransmissions des compétitions olympiques. La chaîne, malgré le boycott, obtient de tels taux d'écoute qu'elle renonce à faire jouer la clause restrictive du contrat initiai en cas de non-participation de tel ou tel pays.

Cette précision donne une idée de l'impact populaire des jeux de Los Angeles. Dans les stades, c'est la ruée sur les places. Et le comité d'organisation explique une bonne part de ses bénéfices surprises par le succès de la vente des tickets d'accès aux sites de compétition.

Los Angeles s'est, par ailleurs, offert des Jeux au moindre coût. Le stade du Coliseum où se déroulent les épreuves d'athlétisme est un héritage des Jeux précédents, ceux de 1932. Un simple modernisation suffit à le rendre opérationnel. Cette ville de 10 millions d'habitants, qui s'étend sur près d'une centaine de kilomètres, est bien pourvue en installations sportives adaptées aux manifestations d'envergure, et un gigantesque réseau autoroutier les quadrille. Peu de stades à construire, en dehors de la piscine, offerte par McDonald, et du vélodrome, payé lui aussi par un fournisseur.

Retour à la sagesse

Pour toutes les constructions appelées à ne pas rester une fois les Jeux terminés, on fait appel à des structures démontables. Bref, l'investissement des Jeux se limite à 500 millions de dollars. Ce qui marque un retour à la sagesse.

Une partie des bénéfices réalisés retourne aux pays participants. Mais cette performance financière ne peut faire oublier que les Jeux de Los Angeles, champions de l'organisation, pèchent aussi contre l'esprit olympique. La couverture exclusivement pro-américaine assurée par ABC irrite les autorités du CIO, qui relèvent une contradiction avec la charte olympique.

Dans l'histoire olympique mouvementée de ces 12 dernières années, Los Angeles inaugure une nouvelle formule : Jeux moins chers ; Jeux bénéficiaires ; d'une certaine manière, recul du gigantisme.

Malgré les risques du boycott qui peuvent désormais être considérés comme une menace permanente, ainsi que le prouvent les tensions que suscite déjà l'organisation des prochains Jeux à Séoul, en Corée, en 1988, les candidatures se multiplient. Pour 1992, Paris, Barcelone, Amsterdam constituent les principales. La capitale française a été la plus longue à se déclarer officiellement, après des négociations-marathons entre la municipalité parisienne et l'État. Les trois villes ont l'avantage de se situer dans des pays qui ne présentent pas de réels risques de boycott.

S'il veut restaurer l'universalité des Jeux, le CIO devra être attentif aux grands clivages internationaux.

Michel Desfontaines