Goukouni Oueddeï crée à cette époque le CNL (Conseil national de libération), tout comme le président Habré avait formé en juin l'UNIR (Union nationale pour l'indépendance et la révolution), en prévision d'une table ronde éventuelle.

Après l'échec de la table ronde d'Addis-Abeba, au début de l'année, des efforts sont entrepris pour réunir les frères ennemis tchadiens à Brazzaville, au Congo. Les autorités de ce pays marxiste-léniniste entretiennent des relations étroites à la fois avec la Libye et avec la France.

La nécessité de trouver au plus vite une solution politique au conflit tchadien est soulignée début octobre à Paris, à l'occasion d'un mini-sommet informel franco-africain sur le Tchad. Trois des chefs de file de l'Afrique modérée, qui avaient encouragé en 1983 l'intervention française pour contrer la poussée libyenne dans le nord du Tchad — les présidents ivoirien Félix Houphouët-Boigny, gabonais Omar Bongo et zaïrois Mobutu Sese Seko (celui-ci a également envoyé un contingent militaire à N'Djamena) —, se retrouvent, le 5 octobre, autour de F. Mitterrand et H. Habré, pour discuter de l'avenir du Tchad et réitérer leur appui aux autorités « légitimes » installées à N'Djamena.

Ce voyage permet à H. Habré d'obtenir des garanties d'aide civile et militaire française accrue et l'engagement formel de la France de venir à son secours en cas d'attaque libyenne. En outre, la France dépêche au Tchad, fin octobre, une aide d'urgence de plusieurs centaines de tonnes vivres et de médicaments destinés aux régions du Centre et du Sud-Est, frappées par la famine alors qu'elles étaient surnommées naguère le Tchad utile.

Négociations secrètes

Février a été marqué par les visites à N'Djamena et Tripoli du ministre français des Relations extérieures Claude Cheysson, cosignataire le 16 septembre à Tripoli avec le chef de la diplomatie libyenne Ali Triki de l'accord de retrait. Ces déplacements sont suivis d'un va-et-vient d'émissaires, entre les capitales française et libyenne.

L'ex-chancelier autrichien Bruno Kreisky, ami personnel de F. Mitterrand et proche du colonel Kadhafi, joue lui aussi un rôle d'intermédiaire très actif. Roland Dumas, ministre des Affaires européennes, a effectué de son côté plusieurs missions secrètes en Libye avant sa nomination au gouvernement, en juillet 1984.

Les négociations se sont accélérées au printemps 1984, après que le colonel Kadhafi eut fait connaître à Paris son souhait de retirer ses forces du Tchad.

Autre date importante, la signature le 13 août à Oujda, au Maroc, d'un traité d'union avec la Libye, officiellement ratifié le 1er septembre, à la veille et au lendemain de deux séjours « privés », dans le royaume chérifien, du président François Mitterrand. Si les Français ont gardé le mutisme le plus absolu concernant les entretiens franco-marocains d'Ifrane, refusant d'établir un lien direct avec l'accord de retrait, le roi Hassan II n'a pas manqué d'en revendiquer sa part de succès, révélant à la presse qu'il s'était entremis entre François Mitterrand et le colonel Moammar el-Kadhafi.

M. J.

Marie Joannidis