Rares sont les pays africains qui ont apprécié l'expulsion, en 1983, de quelque 2 millions de Béninois, Voltaïques, Togolais du Nigeria. Le coup d'État de la Saint-Sylvestre a achevé de discréditer Lagos, qui ne peut plus donner de leçons de démocratie à l'Afrique.

Le coup d'État militaire a été dénoncé par l'URSS, qui maintient cependant au Nigeria 6 000 techniciens et finance plusieurs projets sidérurgiques importants. Avec les États-Unis, le général Buhari n'a pas innové. Les relations sont bonnes, bien que le Washington Post estime, le 1er janvier, que « le coup d'État au Nigeria démolit l'un des jalons les plus marquants ces dernières années de la vie politique en Afrique ».

En revanche, le torchon brûle entre Londres et Lagos. Les Britanniques n'ont pas du tout apprécié le coup d'État de la Saint-Sylvestre. La tentative d'enlèvement en juillet, à Londres, de Umaru Dikko, ancien ministre des Transports de S. Shagari (et milliardaire) n'a pu qu'aggraver la tension entre les deux pays. Mais, même si les relations diplomatiques sont suspendues, il semble difficile de bouleverser des rapports économiques étroits : 20 000 Britanniques vivent au Nigeria, et Lagos doit 6 milliards de dollars à ses créanciers du Royaume-Uni. Alors...

Une coopération plus étroite entre la France et le Nigeria, tous deux intéressés par la stabilisation du Tchad, semble souhaitée. Lors de son passage à Paris le 17 septembre, le ministre nigérian des Affaires étrangères, I. Gambari, a transmis au président Mitterrand une invitation à se rendre au Nigeria.

Jonathan Mongory

Sénégal

Dakar se cherche

La pluie, pendant l'été, fait renaître quelques sourires sur le visage des Sénégalais, tous marqués par la morosité. C'est que l'année avait mal commencé. Les émeutes de Casamance ont laissé des stigmates sur un peuple tolérant qui se croyait à l'abri de l'expression violente de particularismes. La sécheresse a détruit une bonne moitié des récoltes, tant d'arachide que de céréales. Le plan de rigueur lancé en août par le président Abdou Diouf fait sentir durement ses effets, sans que le redressement économique qui doit s'ensuivre soit encore en vue.

Désenchantement

Les hausses des prix des denrées de première nécessité allègent le panier de la ménagère. Repoussant la suggestion du FMI de porter de 130 à 150 F CFA le prix du kilo de riz (c'est-à-dire au niveau du prix de revient du riz domestique, celui du riz importé étant de 95 F), le gouvernement décide, en août 1984, une nouvelle hausse, de 20 à 50 %, du prix des huiles de cuisine. Le Sénégalais moyen supporte mal une austérité qui lui semble bien peu partagée par les nantis — la lutte contre l'enrichissement illicite ne donne guère de résultats — et par l'administration : sur près de 3 500 véhicules des services publics que le gouvernement avait décidé, en février, de retirer de la circulation, 50 — dont 48 épaves — lui ont été restitués six mois plus tard.

Épuration du parti

Le premier grand changement de 1984 est politique. Depuis qu'il avait écarté du gouvernement les barons de la génération de Léopold Senghor, Abdou Diouf se heurtait à l'immobilisme des mêmes hommes et de leur clientèle dans les instances du parti majoritaire.

Le congrès extraordinaire des 21 et 22 janvier est celui de la « débaronnisation », en même temps que d'une démocratisation qui met fin au système du « parachutage » de personnalités dans les instances régionales.

La suite de l'année politique n'est marquée que par deux événements : la mise à l'écart de Habib Thiam, ancien Premier ministre puis président de l'Assemblée nationale, et les élections municipales et rurales de novembre. Ces élections ne font pas date. L'opposition ne s'est pas remise de son échec aux législatives. Toutes les tentatives d'union entre quelques-uns, au moins, des quatorze partis ont échoué. Aucun de ces partis n'arrive à exploiter à son profit une conjoncture pourtant favorable à une opposition.

Plus que le militantisme politique, c'est la pratique religieuse, y compris chez les quelque 5 % de catholiques, qui bénéficie du désenchantement. Les mosquées sont pleines et « poussent comme des champignons ». Cela ne va pas sans inquiéter le gouvernement, qui a fermé, le 30 janvier, l'ambassade d'Iran et expulsé les diplomates, accusés de financer des mouvements intégristes.

Barrage et phosphates

Sur le plan économique, les nouvelles sont bonnes. La construction du barrage de Diama se poursuit. Cet ouvrage, retenant l'eau salée à l'embouchure du fleuve Sénégal, permettra, en 1987, d'irriguer 120 000 ha. On essaiera d'y installer les émigrés devenus indésirables en France.