Afrique Noire

Quelle que soit la détermination de ceux qui refusent de céder à la tentation du misérabilisme, les faits ont, avec entêtement, témoigné de l'ampleur et de la multiplicité des épreuves qui ont frappé de plein fouet la majorité des États africains : sécheresse catastrophique accompagnée d'une vague de famine ; guerres civiles ; crise aiguë des relations interafricaines caractérisée par une paralysie accrue de l'OUA (Organisation de l'unité africaine), coupée en deux camps hostiles ; baisse de la crédibilité de hauts responsables politiques, dont la mise en accusation publique porte gravement préjudice à l'ensemble des États africains...

Le temps des épreuves

Aucune région du continent n'a été vraiment épargnée par la sécheresse : ni le Maghreb, notamment dans le Sud marocain ; ni le Machreq, où le Nil a connu la plus basse crue enregistrée depuis 1611 ; ni la Corne, où l'Éthiopie détient la palme peu enviée du record absolu de victimes ; ni l'Afrique orientale, où, dès juin, les Kenyans ont sollicité l'aide alimentaire de quinze pays ; ni l'Ouest africain, où le Mali, dit un rapport de l'ONU publié en juin, voit le tiers de sa population affectée par la famine, et où la Côte-d'Ivoire et le Ghāna ne sont plus en mesure de produire l'électricité nécessaire à leurs besoins par suite du déficit en eau de leurs barrages hydrauliques ; ni l'Afrique centrale, puisque, au Tchad, les ravages de la sécheresse se conjuguent avec ceux de la guerre civile ; ni la partie australe du continent, où les enclaves que constituent les anciens protectorats britanniques (Botswana, Lesotho, Swaziland) sont plus tributaires que jamais du bon vouloir des détenteurs du pouvoir pâle sud-africain ; ni même les îles du Cap-Vert, où, par une atroce ironie du sort, une centaine de personnes trouvent, en septembre, la mort par noyade, au cours de pluies diluviennes survenues après plusieurs années rigoureusement sèches.

L'avancée du désert

Les organisations internationales tentent en octobre de sensibiliser l'opinion mondiale par une campagne d'information. On parle de 35 millions d'Africains ayant un besoin désespéré d'aide — au moment précis où le supplément hebdomadaire d'un grand quotidien parisien explique à ses lecteurs que, chaque année, les Français dépensent 30 milliards de F pour leurs chiens...

Dans le courant du même mois, Mère Teresa, prix Nobel de la paix 1979, écrit à Ronald Reagan pour attirer son attention sur les populations qui meurent en Éthiopie et à l'encontre desquelles le pouvoir central d'Addis-Abeba utilise la faim comme une arme de guerre, notamment en Érythrée et au Tigré. Dans ce pays, 7 millions d'individus sont menacés de mort et, bien que 350 000 t de céréales aient été promises, leur acheminement se révèle difficile.

Au Tchad, certains districts du pays sont si gravement atteints que le transport par les troupes françaises d'une aide alimentaire d'urgence devient l'un des aspects essentiels de l'opération Silure, destinée au rapatriement du contingent envoyé sur place un an plus tôt dans le cadre de l'opération Manta. Et, à N'Djamena, en août, le secrétaire d'État à la Lutte contre les calamités naturelles annonce que, du 6 au 19, plus de 500 personnes sont mortes de faim dans le sud du pays.

C'est apparemment en vain que, dès juillet, réunis à Dakar où s'est tenue une conférence sur la désertification, les représentants de vingt-deux États arabes et africains ont évoqué les malheurs des PAD — les « pays agressés par la désertification ». Pourtant, il a été dit, à cette occasion, que le désert progressait annuellement de 7 km et qu'en dix ans 410 millions d'ha de terre avaient ainsi été détruits...

La persistance des conflits armés, en Angola et en Namibie, en Érythrée et au Soudan, souligne bien que le climat n'est pas seul responsable des famines. En Éthiopie, en Ouganda, au Zimbabwe et en Afrique du Sud, les affrontements entre troupes gouvernementales et dissidents armés se multiplient. L'OUA sort profondément divisée du sommet qui a admis, le 12 novembre, la République sahraouie comme 51e État membre.