Enfin, s'il y a, en Extrême-Orient, un nom évoquant l'héritage explosif de l'histoire, c'est celui de Panmunjom, ces baraques situées sur le 38e parallèle, où a été signé l'armistice suspendant en 1953 la guerre de Corée. Le long d'une ligne paradoxalement appelée « zone démilitarisée » se font face un million de soldats nord et sud-coréens, et 40 000 GI's. Une des zones les plus explosives du monde, comme l'a rappelé le 23 novembre l'irruption d'une vingtaine de soldats nordistes faisant feu dans le secteur de Panmunjom réservé aux Américains. Prétexte : la fuite d'un jeune diplomate soviétique qui avait élu cet endroit pour « choisir la liberté ». Trois morts chez les communistes, un du côté sudiste, et un blessé américain. Pourtant, on avait l'impression que le régime de Kim Il Sung cherchait à rehausser son image, ternie par l'assassinat, en octobre 1983, à Rangoon, de 17 ministres et fonctionnaires sud-coréens, victimes d'agents nordistes.

Avant l'incident du 23 novembre, des émissaires des deux Corées s'étaient retrouvés à plusieurs reprises, pour parler d'échanges humanitaires et économiques. Cette amorce de dialogue, repoussée à 1985, reste l'événement dominant de cette péninsule, seul endroit du monde où toutes les grandes puissances (USA, URSS, Chine et Japon) sont directement face à face.

Jean Leclerc du Sablon

Afghanistan

La soviétisation

La RDA, vous connaissez ? C'est la nouvelle appellation contrôlée de la « République démocratique d'Afghanistan », donnée par l'agence Tass. Cinq ans après l'invasion, même si les soldats de l'Armée rouge « ne tiennent que les quatre murs de leurs garnisons », comme l'assure avec beaucoup d'optimisme un résistant afghan, le « contingent limité » qui campe depuis 1979 est là pour longtemps.

L'escalade

« On assiste à une militarisation de la guerre », constate un spécialiste de l'Afghanistan. La mort d'Andropov aurait sonné le glas des opérations à grande échelle du Khad, la réplique afghane du KGB : l'arrivée de Tchernenko au pouvoir redonne la priorité aux forces armées.

Toujours est-il que les effectifs de l'Armée rouge augmentent. Ils sont passés de 100 000 à 150 000 hommes, sans compter l'équivalent de deux divisions soviétiques, stationnées au nord de l'Amou-Daria, le fleuve frontalier avec l'URSS, qui interviennent ponctuellement ici et là. Les forces soviéto-afghanes sont maintenant capables de mener des offensives simultanées, dans des endroits différents. C'est un fait nouveau.

L'offensive du Panshir

C'est la septième et la plus importante action d'envergure depuis décembre 1979. Elle illustre deux changements dans la tactique soviétique. La vallée du commandant Massoud, le chef local de la résistance, est, en effet, bombardée par des TU-16, équivalent soviétique du B-52 américain, avant d'être livrée à l'infanterie. Des commandos héliportés Vysotniki de troupes d'élite prennent ensuite les résistants à revers. Mais la plupart de ceux-ci réussissent à se replier. Les Soviétiques se sont enfoncés dans un ventre mou. Il n'empêche qu'ils contrôlent désormais le bas de la vallée.

Aux bombardements systématiques sans précédent, les Soviétiques ajoutent la tactique de la terre brûlée. La famine menace certaines régions. Les civils sont de plus en plus visés, et le nombre des réfugiés s'accroît. L'objectif est clair : couper les bandits de la population, en la faisant fuir vers l'étranger (3 millions de réfugiés au Pakistan, 2 millions en Iran), ou vers les villes, où l'on espère mieux contrôler ces diables d'Afghans. Kaboul compte maintenant 2 millions d'habitants, contre 700 000 avant la guerre.

Dissensions

Le renforcement du corps expéditionnaire soviétique est dû en partie à l'effondrement de l'armée afghane, qui continue à fournir plus de déserteurs que de combattants. Ses troupes sont passées de 80 000 à 30 000 hommes, depuis le début de la guerre. Pourtant, le service militaire a été porté de 3 à 4 ans... entraînant une nouvelle vague de désertions et des mutineries.

La défiance à l'égard de l'armée s'explique : les officiers appartiennent à la tendance Khalq (Peuple) du Parti, alors que les dirigeants politiques sont issus du Parcham (Drapeau), fraction rivale favorable au premier secrétaire, Babrak Kermal. On ne compte plus les règlements de compte, à coups de pistolet, entre ministres des deux camps.