Autre malade de l'Asie, enfin, les Philippines, qui sont loin d'être sorties de la tourmente provoquée par l'assassinat du chef de l'opposition Benigno Aquino, en août 1983. La situation préoccupe Washington, qui dispose à Subic Bay de sa base la plus importante à l'étranger. Manille prévoit une chute de la croissance économique de 5,5 %. Le FMI impose des mesures d'austérité qui risquent d'alimenter la propagande de la guérilla communiste. La maladie du président Marcos, enfin, rappelle combien peut être trompeuse l'image de stabilité dont bénéficie la région.

Successions difficiles

Presque tous les pays de la région sont gouvernés par des hommes forts dont la succession est problématique. Même au Japon qui est, avec la Malaysia, le pays le plus démocratique de la région, le Premier ministre Yasuhiro Nakasone a été reconduit le 4 novembre pour un second mandat, sans vote, les candidats rivaux s'étant au dernier moment retirés de la compétition. L'ancien Premier ministre Kakuei Tanaka, qui a fait appel de sa condamnation pour corruption en 1983, reste le roi de l'ombre de la scène politique. Commentaire du Asian Wall Journal : « La politique japonaise est aussi stable que la production d'acier ou de voitures. »

L'exemple le plus net de ce modèle asiatique, qui vise à protéger l'économie des impondérables du débat et de l'alternance politiques, est Hongkong. Le 26 septembre, Londres et Pékin annonçaient un accord prévoyant la restitution du territoire à la Chine en 1997. Pékin, en vertu de la formule un pays, deux systèmes, est censé en garantir la structure capitaliste et les libertés pendant 50 ans. « La stabilité et la prospérité » de Hongkong seront protégées, ont affirmé à l'unisson négociateurs anglais et chinois. Les milieux d'affaires leur ont fait écho, afin de sauvegarder ce capital précieux qu'est la confiance, sans laquelle la colonie tomberait en ruine.

L'accord, suivi le 1er octobre par une célébration particulièrement fastueuse du 35e anniversaire de la fondation de la République populaire, a été l'occasion pour Deng Xiaoping, qui est apparu au faîte de sa puissance, de savourer son triomphe. « Ne vous inquiétez pas, la succession est assurée » semblait-il dire du haut de la tribune de la porte Tien Anmen, flanqué de ses deux protégés, le secrétaire général du Parti Hu Yaobang et le Premier ministre Zhao Ziyang.

Autre pays où l'on se prémunit contre les risques de la succession : Singapour. L'île-ville-État est gouvernée depuis 25 ans par le Premier ministre Lee Kuan Yew et son Parti d'action populaire. Les élections législatives du 22 décembre ne modifient pas cette situation. Mais le PAP a promis que l'opposition, représentée actuellement par un seul député sur 75, aurait trois porte-parole, quels que soient les résultats... En attendant, Lee Kuan Yew a fait part de son intention de prendre du champ dans quatre ans. Son fils Lee Hsien Loong, un général de 32 ans, a renoncé à ses fonctions à la tête de l'armée pour se présenter aux élections.

Héritages de l'Histoire

À Taiwan, le président de la République, Chang Ching-kuo, fils du maréchal Chang Kai-chek, s'est fait réélire en mai pour un second mandat de six ans. Il a 74 ans, et sa santé est mauvaise. Son successeur théorique devrait être le vice-président Lee Teng-hui, qui est un natif de Taiwan, contrairement à de nombreuses autres personnalités du Kuomintang, le parti unique au pouvoir qui s'est réfugié sur l'île en 1949 après sa défaite face aux communistes sur le continent. Plusieurs opposants, accusés de nier le caractère chinois de Taiwan, ont été libérés cette année.

Mais la libéralisation reste limitée. Le nouveau Premier ministre, Yu Kuo-hua, un financier, fait figure d'ultraconservateur. L'ostracisme international dont est victime Taiwan, où le niveau de vie est quinze fois plus élevé que sur le continent, préoccupe la nouvelle génération de dirigeants, des économistes et des techniciens bardés de diplômes américains, qui se plaignent des « palinodies occidentales » face aux pressions de Pékin.