Comme en Tunisie le 3 janvier, c'est bien la décision d'augmenter le prix de certains produits de première nécessité qui a été le facteur déclenchant de ces manifestations. Cette politique de « vérité des prix » (l'une des conditions imposées par le FMI pour l'octroi, en 1984, d'un prêt de 315 millions de dollars) ne peut qu'être durement ressentie par une population de 25 millions d'habitants, dont la moitié, au moins, vit au-dessous du seuil de pauvreté. Le souverain chérifien n'ignore rien de cette situation, mais les diverses mesures prises (recensement des fortunes, plan d'austérité et élargissement du gouvernement au principal parti d'opposition, l'Union socialiste des forces populaires) ne suffisent pas à apaiser des tensions, habilement exploitées par des activistes.

Union avec la Libye

Le calme finalement revenu (plus de 1 500 personnes sont déférées devant les tribunaux), le roi Hassan II peut consacrer son attention au conflit saharien. Sur le terrain militaire, la domination des Forces armées royales sur le Polisario s'est confortée grâce, notamment, à l'achèvement du troisième mur qui, de Zag, au pied du djebel Ouarkziz, à Amgala, près de la frontière mauritanienne, boucle le Sahara utile. Sur le plan diplomatique, en revanche, l'impasse est totale, l'Organisation de l'unité africaine restant divisée. Aussi, l'annonce, le 14 août, à Oujda, de la signature la veille d'un accord d'union d'États entre le Maroc et la Libye n'est pas sans provoquer surprise et interrogations.

Selon les termes de cet accord, celui-ci doit « contribuer à l'unification du Maghreb et à la mise en œuvre de politiques communes dans les domaines économique, commercial, social et culturel ». Mais, surtout, il consacre la cessation de l'aide de Tripoli apportée, jusque-là, au Polisario. Dès lors, l'Algérie, qui avait souscrit, en mars 1983, un Traité de fraternité et de concorde avec la Tunisie, puis avec la Mauritanie, s'inquiète de ce nouvel axe Rabat-Tripoli, qui vient conforter la position marocaine dans l'affaire saharienne et laisse Alger seul, en première ligne, aux côtés des Sahraouis. Même si rien ne permet d'avancer que l'accord d'Oujda sera plus durable que les autres tentatives d'unions interarabes — et d'abord celles suscitées par le colonel Kadhafi —, les Marocains approuvent ce traité, le 31 août, par référendum, à 99,97 % de leurs suffrages.

Ce joli coup du roi Hassan II est rehaussé par la visite surprise effectuée par le président François Mitterrand (29-31 août), et dont certains assurent qu'elle a permis d'accélérer la réalisation de l'accord franco-libyen du 17 septembre sur le Tchad.

Élections législatives

Prévues initialement pour juin 1983, puis ajournées dans la perspective du référendum d'autodétermination dont l'OUA avait demandé l'organisation au Sahara occidental avant la fin de décembre 1983, les premières élections législatives depuis 1977 ont lieu le 14 septembre. Le fait que la campagne électorale se déroule sans incident notable et à la satisfaction de l'opposition « nationale » est déjà un premier succès, surtout après la tension provoquée par la mort de deux détenus, grévistes de la faim, quelques jours auparavant.

Les résultats traduisent l'avantage acquis par l'Union constitutionnelle de Maati Bouabid (27,63 %), la bonne tenue du Rassemblement national des indépendants d'Ahmed Osman (19,08 %), les progrès remarquables de l'Union socialiste des forces populaires d'Abderrahim Bouabid (qui double le nombre de ses sièges avec 17,08 %) et le déclin significatif de l'Istiqlal (11,55 %). En France, Akka Ghazi, le délégué syndical CGT à Citroën-Aulnay, est élu sur la liste de l'USFP. Même si la participation électorale a été moindre que pour le référendum (65 % seulement), cette consultation sans bavures est un succès pour le roi, qui démontre que le pari du multipartisme et de la démocratie qu'il a choisi de tenir peut être finalement gagné.

La rentrée du nouveau Parlement, le 12 octobre, est l'occasion pour le souverain de mettre, une fois de plus, en évidence la prééminence du trône dans la définition des objectifs du royaume. Cependant, les succès rencontrés sur le plan diplomatique ne sauraient faire oublier l'admission de la RASD au sommet de l'OUA, en novembre, et la dégradation de la situation économique et sociale.