Maghreb
Moyen-Orient

Dans cet « arc de crise » — suivant le mot de l'ancien conseiller du président Carter, Zbigniew Brzezinski — que constitue l'ensemble arabo-musulman qui va de l'Atlantique au golfe Persique et se prolonge en Asie du Sud-Ouest, l'année 1984 fut l'année des impasses. Aucun conflit n'a trouvé de solution. Aucune guerre ne s'est achevée. Mais aucune révolution n'est venue tout à coup modifier les données antérieures, aucun changement brusque n'a bousculé l'échiquier des forces.

La Syrie, puissance régionale

Comme c'est le cas depuis longtemps, le sort de la région est tout entier dominé par l'interminable conflit israélo-arabe, et l'année 1984, à cet égard, fut marquée par la persistance de deux données principales, apparues durant les années précédentes, mais confirmées une fois de plus : la supériorité militaire et stratégique d'Israël et la dispersion accentuée du camp arabe. La situation au Proche-Orient reste, en effet, marquée par les résultats de la guerre de 1982 : la destruction de l'infrastructure politique et militaire de la résistance palestinienne au Liban a renforcé la prépondérance des forces israéliennes dans la région ; à la fin de 1984, les Palestiniens n'avaient pas retrouvé leurs capacités de combat et les Israéliens demeuraient maîtres du terrain conquis deux ans plus tôt, au prix, il est vrai, des charges et des risques d'une occupation prolongée qu'ils supportent de plus en plus difficilement. En même temps, les rebondissements de la guerre civile au Liban, l'engagement de l'Iraq dans sa guerre avec l'Iran, la persistance des rivalités traditionnelles, par exemple entre Iraqiens et Syriens, Égyptiens et Libyens, Algériens et Marocains, témoignaient de l'irréductible division des adversaires d'Israël.

Mais ces deux données essentielles, si l'on a vérifié qu'elles subsistaient en 1984, n'en connaissaient pas moins, chacune, d'importantes évolutions. D'un côté, l'État hébreu devait affronter de formidables difficultés économiques, sociales et — pour la première fois — militaires au point qu'on peut se demander si la société israélienne elle-même n'en subit pas de graves contrecoups. Et, parallèlement, le camp arabe voyait se dessiner, en son sein, de nouvelles lignes de forces avec la remarquable montée en puissance de la Syrie, l'affaiblissement, peut-être durable, des États pétroliers et l'apparition, peut-être provisoire, de nouvelles conjonctions, comme celle qui rapproche Maroc et Libye et qui modifie les équilibres intérieurs du camp.

Israël et son économie

Spectaculaire fut la crise économique et financière de l'État hébreu. On a vérifié cette année que celui-ci ne peut connaître aucun équilibre durable sans l'apport d'un considérable flux d'aides extérieures provenant essentiellement des États-Unis — soit de l'Administration américaine elle-même, soit des organisations sionistes — et que cet apport n'était pas à la mesure des charges écrasantes qui résultent pour Israël de la poursuite indéfinie de sa guerre contre les États voisins. Une inflation gigantesque soulignait durement le déséquilibre fondamental de l'économie israélienne. Et les conséquences sociales en seront sans doute importantes puisqu'il a fallu se résoudre à des mesures d'austérité qui paralysent de nombreuses activités — non seulement commerciales mais aussi universitaires et scientifiques par exemple — et que la société israélienne y sera inévitablement très sensible.

Cette crise économique n'a pas été sans effet, bien entendu, sur les élections du mois de juillet et, si le Likoud, au pouvoir jusque-là, a perdu sa prépondérance, le parti travailliste n'a pas obtenu de majorité et il a fallu en venir à un gouvernement d'union nationale dirigé, durant les deux premières années, par un Premier ministre travailliste. À la fin de l'année, ce gouvernement n'avait obtenu aucun résultat significatif ni dans sa lutte contre l'inflation ni dans ses tentatives pour se dégager des territoires libanais occupés depuis 1982 et où l'activité grandissante de la résistance populaire cause à l'armée israélienne des pertes presque quotidiennes et impose à Israël des charges dont il lui faut se débarrasser s'il veut garder sa priorité au renforcement permanent de son appareil militaire.

Les succès de Damas

L'année écoulée, au Proche-Orient, a pu souvent apparaître, en définitive, comme un tête-à-tête entre Israël et la Syrie. Elle a vu, en effet, aboutir l'effort de redressement accompli par le gouvernement syrien depuis la guerre de l'été 1982. La Syrie venait d'y perdre une grande partie de son aviation et, sans doute aussi, une part de son prestige. Elle avait dû se retirer de la lutte au bout de cinq jours faute de tout soutien de la part des autres États arabes et pour échapper au risque de devenir à son tour champ de bataille.