En ce qui concerne l'agriculture, Constantin Tchernenko relance, en octobre 1984, le programme agro-alimentaire mis en place en mai 1982 sous Brejnev, mais il semble revenir à la politique de développement extensif en y ajoutant un vaste programme de bonification des terres, qui doit conduire à une augmentation de 50 % des superficies irriguées d'ici à l'an 2 000. On note, au cours de la même session du Comité central, le silence de Mikhail Gorbatchev, qui s'était trouvé associé dans le passé encore récent à la conduite de la politique agricole. Le benjamin du Politburo jouit de toutes les prérogatives d'un no 2 apparent sur le plan du protocole et des attributions traditionnelles réservées à cette fonction, à savoir la supervision du domaine idéologique et, dans une certaine mesure, des Affaires étrangères (élu président de la Commission des affaires étrangères du Soviet de l'Union en avril, il dirige en décembre une délégation parlementaire en Grande-Bretagne et recueille à cette occasion un considérable succès du curiosité), mais son rôle dans les grandes décisions reste flou.

Le blocage des institutions

Aucune modification n'est apportée pendant toute l'année 1984 à la composition du Politburo, jusqu'à la disparition naturelle du maréchal Oustinov en décembre. Et l'on peut se demander si l'impuissance du groupe dirigeant à faire jouer le mécanisme de la cooptation n'est pas à l'origine de l'ajournement de la session plénière du Comité central, tenue traditionnellement en fin d'année pour la ratification du budget et du plan. Cette session est remplacée, en novembre, par une réunion élargie du Politburo, ce qui exclut la possibilité d'un remaniement.

Au total, hormis la poursuite des attaques déclenchées par Y. Andropov contre certains dignitaires de l'ère Brejnev dénoncés pour corruption — tels Nikolai Chtchelokov, ancien ministre de l'Intérieur, déjà disgracié en 1982, qui est dégradé le 6 novembre 1984 pour « conduite indigne d'un général soviétique » et mourra quelques semaines plus tard à la veille de son procès —, le seul changement important au plan politique décidé par la nouvelle équipe dirigeante se situe au niveau immédiatement en dessous du Politburo avec le remplacement soudain, le 6 septembre, du chef de l'état-major général des forces armées, le maréchal Ogarkov.

Premier des militaires professionnels promus dans l'ombre du ministre Oustinov — également maréchal mais au terme d'une carrière civile menée dans l'industrie des armements —, Nikolai Ogarkov s'était distingué au cours des années précédentes par des appels pressants à l'augmentation des ressources consacrées à la défense et en particulier aux besoins de modernisation des forces armées. Le 9 mai, il laissait entendre dans des déclarations à l'Étoile rouge, organe de l'armée, que le souci de maintenir le rapport des forces sur le plan nucléaire ne dispensait pas d'un effort soutenu visant à faire bénéficier les forces classiques des dernières conquêtes de la technique moderne, à l'instar de ce que le général Rogers, commandant des forces de l'OTAN, préconise pour l'alliance atlantique.

En nommant à sa place le maréchal Akhromeev, également militaire professionnel mais aussi personnalité politique ayant bénéficié des faveurs de Brejnev comme d'Andropov, le Politburo a sans doute voulu confier la direction des forces armées à un homme plus souple. De même, le choix du maréchal Sokolov pour diriger le ministère de la Défense à la mort d'Oustinov, en décembre 1984, témoigne d'un conservatisme délibéré : à 73 ans, ce militaire professionnel est simplement « le plus ancien dans le grade le plus élevé ». Toutefois, certaines apparitions publiques du maréchal Ogarkov après sa destitution, le fait que ses nouvelles attributions, que l'on dit « importantes », n'ont pas été précisées donnent à penser que sa disgrâce n'est pas totale et que la décision le concernant reste l'objet de contestations.

Le durcissement

Mais c'est sur le plan de la politique étrangère et, accessoirement, de l'idéologie et de la répression intérieure, que la direction mise en place en février s'affirme de la manière la plus marquée, tout en subissant une évolution sous l'effet des circonstances. Deux phases peuvent être distinguées à cet égard.