Le 4 juin, l'ECU est coté pour la première fois officiellement à la Bourse de Paris. Le 17 septembre, sa composition est modifiée pour intégrer la drachme grecque et permettre une révision générale de la pondération de toutes les monnaies qui en font partie, en tenant compte du produit intérieur brut des États. La part du franc est ainsi portée à 19 % ; la valeur de l'ECU avoisine 6,85 F à la fin de 1984.

Paradoxalement, c'est le marché international qui assure la promotion de l'ECU. Ainsi, un emprunt de 150 millions est lancé avec succès sur le marché américain, faisant suite à une série d'opérations qui ont acclimaté cette nouvelle devise : 5 % des nouvelles émissions sur le marché des eurodevises se sont faites en ECU au premier semestre, c'est-à-dire davantage qu'en livres sterling et presque autant qu'en DM.

Ce succès explique sans doute les réticences de la Grande-Bretagne, qui reste en dehors du SME, mais aussi de l'Allemagne, qui redoute un concurrent au DM et interdit à ses résidents d'avoir des dépôts en ECU.

Le marché sera sans doute le plus fort et assurera son développement, d'autant qu'il suscite un très vif intérêt aussi bien dans les pays de l'Est qu'au sein du tiers-monde et d'une façon générale chez ceux qui voudraient trouver un contrepoids au dollar.

Face aux géants

Après la crise de 1982, survenue à l'occasion de la construction du gazoduc sibérien, les relations avec les États-Unis se sont déroulées sans conflit majeur jusqu'à la réélection de Ronald Reagan à la Maison-Blanche. Toutefois, un incident grave s'est produit en novembre, avec la décision de l'Amérique de fermer ses frontières aux tubes d'acier européen jusqu'à la fin de l'année.

Les exportations de la CEE dans ce secteur, qui représentent 14,4 % du marché américain, doivent être ramenées à 5,9 % seulement en 1985. Le conflit pourrait s'étendre au blé, les États-Unis envisageant de subventionner leurs ventes à l'étranger, sous prétexte que la politique agricole commune est protectionniste à leurs yeux. En fait, l'évolution de ces conflits dépendra largement de celle du dollar, qui reste surévalué et déséquilibre le commerce extérieur américain.

Avec le Japon, la Communauté s'efforce d'obtenir un rééquilibrage de ses échanges, qui ont été déficitaires de 12 milliards de dollars en 1983. Mais les résultats restent toujours décevants. En revanche, on s'oriente vers une coopération plus poussée au niveau des entreprises, par le biais de prises de participation ou de réalisations d'investissements conjoints.

Lomé III

Les négociations pour la troisième convention de Lomé sont menées à bonne fin. Lomé III est signé le 8 décembre. Soixante-six pays participent à la nouvelle convention, l'Angola et le Mozambique ayant rejoint les précédents signataires. La totalité de l'Afrique noire est ainsi couverte, pour cinq ans, par un contrat qui organise la coopération économique et commerciale et ouvre les marchés européens à la quasi-totalité des produits des ACP. Les Dix ont maintenu leur aide au niveau précédent, en tenant compte de l'inflation. Priorité est donnée à l'agriculture et à l'autosuffisance alimentaire, alors que les conventions précédentes mettaient l'accent sur l'industrialisation.

Au total, l'Europe témoigne qu'elle réussit à faire face à la crise. Malgré la lenteur des progrès, elle surmonte les obstacles, même si, pour trouver une solution aux questions les plus techniques comme le lait ou le vin, les dossiers doivent remonter jusqu'aux chefs d'État ou de gouvernement. On peut s'attendre encore à d'épineuses négociations sur l'élargissement, avec l'Espagne et le Portugal, en raison des exigences que ces pays ont présentées, maintenant que la Communauté a donné le feu vert pour leur adhésion le 1er janvier 1986.

Cette négociation dominera la vie de la CEE jusqu'au printemps 1985, date à laquelle un accord devrait être trouvé, faisant tomber du même coup la réserve que les Grecs seuls avaient mise à l'élargissement. La construction européenne apparaît donc toujours dominée par des problèmes d'intendance. Ils sont la face visible de l'iceberg politique, illustrant l'immense chemin qui reste à parcourir, pour que l'Europe trouve son identité.