Loisirs

Savoir vivre

Le mi-temps

Course à pied et course à la forme ; la plus belle pour aller danser et le plus chatoyant pour aller se montrer : jamais comme dans les périodes dites de crise, le goût de la singularité et la volonté de se personnaliser à tout prix n'ont jailli spectaculairement. Les « décalés » croissent et se multiplient : le travail n'est plus ce qu'il était ; désormais, il faut s'accrocher et ne plus même songer, sauf cas exceptionnels, à des occupations vigoureusement épanouissantes. Le chômage est là qui guette et qui envoie son haleine fétide sur des générations de jeunes qui s'interrogent. Dès lors, le travail change de signe. Comme le déclarait très sérieusement un jeune avocat dans une boîte de nuit, reflétant bien la mentalité de sa génération : « Mon métier, c'est le backgammon ; mon hobby, c'est le droit. » Il s'agit moins de gagner sa vie que de gagner à ne pas la perdre : dans la journée, on est straight, adaptés, on joue tous les jeux des stratégies socioprofessionnelles ; la nuit, les chats ne sont plus jamais gris. Et, au petit matin, après un sommeil toujours réparateur, on court sur les trottoirs urbains. La vieille division travail-loisir est en train, lentement, inexorablement, de basculer. Tous à mi-temps ? Peut-être un jour ; mais, en attendant, l'important c'est d'être de son temps, c'est-à-dire hors du temps de la valeur-travail et de l'effort récompensé. Désormais, l'attention, l'application, l'effort sont tournés vers soi. L'aventure intérieure ne fait que commencer.

André Bercoff

Échecs

De jeunes maîtres

L'année est, avant tout, celle de la fin de la « course au titre » pour le championnat du monde, détenu depuis 1975 par A. Karpov. Au début de 1984, les demi-finales et finale pour désigner le prétendant sont retardées : les deux Soviétiques Kasparov et Smyslov ont refusé de jouer aux États-Unis. D'abord éliminés par forfait, ils sont repêchés grâce à la sportivité des adversaires (Kortchnoï et Ribli), Kortchnoï obtenant d'ailleurs que soit levé par les joueurs soviétiques le boycott des tournois où il joue.

À Londres, Kasparov, le plus jeune (20 ans), bat Kortchnoï (7 à 4) et Smyslov le plus vieux (62 ans) bat Ribli (6,5 à 4,5). Chez les dames, surprise avec l'élimination des Géorgiennes, qui dominent les échecs soviétiques et mondiaux : I. Levitina bat N. Alexandria, et L. Semionova bat N. Ioseliani. Levitina gagne la finale, comme Kasparov domine Smyslov (8,5 à 4,5).

En finale, Maya Tchibourdanidzé gagne contre Irina Levitina par 8,5 à 5,5, non sans avoir tremblé jusqu'à la 9e partie ; Karpov s'adjuge une nette avance dès le début contre Kasparov qui, avec la fougue de sa jeunesse, prend trop de risques. Le score, fin décembre, reste de 5 à 1 en faveur de Karpov qui joue la prudence et le match s'enlise dans l'hiver russe en battant de très loin le record des nullités consécutives en championnat du monde (16 parties nulles).

Un autre championnat du monde (officieux), celui des ordinateurs, est gagné par l'Américain Cray Blitz, qui enlève son titre à Belle. En 1968, le maître international D. Lévy avait parié 1 500 livres avec des professeurs qu'il battrait en 1978 le meilleur ordinateur, ce qu'il fit dûment. Il renouvelle sa victoire, très nettement, six ans après, contre Cray Blitz. L'ordinateur bat les joueurs ordinaires, mais pas les maîtres !

L'URSS, en 1970, avait battu le reste du monde par un point d'écart et malgré la présence de Fischer. En 1984 a lieu la revanche, et l'URSS gagne avec 2 points d'écart, contre une équipe incomplète. Autres couronnes décernées cette année : celle du jeu par correspondance, à l'Américain Palciauskas, celle des juniors, au Danois C. Hansen, celle des cadets, à Dreiev (URSS) et à la Hongroise Madl (féminines). Cette dernière épreuve est organisée par la Fédération française, à Champigny-sur-Marne.

Éphémérides

Le championnat de France féminin a créé la sensation dans la grande presse et à la télévision. Que s'est-il donc passé à Loches ? La victoire d'une jeune fille de 12 ans, Isabelle Kientzler, succès très prometteur ! En revanche, à Alès, pas de surprise : Jean-Luc Séret est champion de France pour la troisième fois. En Belgique, c'est Michel Jadoul qui est champion national. L'épreuve s'est signalée par une innovation : l'interdiction de fumer dans la salle de tournoi, mesure compréhensible du fait que les parties de championnat peuvent durer 5 heures, et le non-fumeur s'estime handicapé dans les nuages de fumée. Le jeune Olivier Renet s'est distingué au tournoi de juniors à Champigny et au championnat de Paris. De nombreux tournois ouverts (pas de sélection) se sont disputés : Béthune, Metz, Alès, Bordeaux, Hem, Val-Thorens, Belfort, Toulon, presque toujours gagnés par des étrangers, mais deux belles exceptions : les frères P. et F. Meinsohn, au cap d'Agde, et Haïk, à Lorient, ont devancé les compétiteurs étrangers. Hyères attire au printemps le gratin mondial féminin. Cette année, victoire de la Soviétique Akhmilovskaya. Une année fructueuse pour le développement du « sport de l'esprit » !