Sur ce même registre, on constate que les origines juives de Laurent Fabius n'ont nullement empêché sa nomination comme Premier ministre et guère terni son image dans l'opinion publique. Quant à la collectivité juive, elle ne souffre d'aucun de ses complexes passés par rapport à la communauté nationale, et l'attitude très ferme adoptée par ses dirigeants pour s'opposer à la loi Savary sur l'école privée prouve que l'élan juif des protestataires n'est pas en reste par rapport à celui des dirigeants catholiques.

L'opposition à la loi Savary n'a aucune incidence sur les excellentes relations que les dirigeants de la communauté juive entretiennent avec le pouvoir. Le Président du CRIF comme le grand rabbin de France sont reçus par le Premier ministre, et François Mitterrand, accompagné de ses proches collaborateurs, va déjeuner chez René-Samuel Sirat.

Minorités en danger

Politiquement plus importante aura été l'invitation adressée par le président de la République à Théo Klein, chef du Conseil représentatif des institutions juives de France, qui, au mois de mai, l'accompagne dans son voyage officiel en Union soviétique. Personne ne s'y trompe : c'est le soutien le plus spectaculaire jamais accordé par la France à la lutte des juifs d'URSS pour leur liberté de culte ou d'émigration. En fait, les nouvelles qui viennent de la collectivité juive d'Union soviétique ne manquent pas d'être inquiétantes et, quel que soit leur sentiment d'impuissance, des organisations juives d'adultes et de jeunes tentent dans toute la mesure du possible d'informer l'opinion et de faire pression sur les autorités soviétiques. 12 000 à 15 000 personnes manifestent à Paris, le 9 décembre, en solidarité avec les juifs d'URSS.

Avec tristesse, les juifs de France apprennent aussi la situation désespérée de milliers de Falachas qui périssent de famine dans les camps de réfugiés du Soudan, avant d'avoir pu émigrer en Israël. En novembre, une manifestation organisée à Paris veut témoigner, avant la visite officielle du président de la République à Damas, du sort dramatique des juifs de Syrie, véritables otages du gouvernement syrien. Un moment, la communauté juive de France, qui est composée d'une large fraction originaire du Maroc, a imaginé, au lendemain du Congrès des communautés juives du Maroc auquel participent des citoyens israéliens, qu'une porte s'est nouvellement ouverte pour une meilleure symbiose entre juifs, Israéliens et Marocains. Mais, peu après, l'accord entre le Maroc et la Libye met fin à cet espoir.

Enfin, la communauté juive participe avec éclat aux réceptions données en l'honneur de Shimon Pérès. Pour la première fois depuis 1961 — David Ben Gourion était alors l'hôte à l'Élysée du général de Gaulle—, un Premier ministre israélien est l'invité officiel de la France. La quasi-totalité des leaders de l'opposition se font remarquer en entreprenant des voyages en Israël. Leur démarche est souvent interprétée comme un appel à l'électorat juif.

Du point de vue culturel, l'année 1984, bien que nourrie de nombreux colloques et autres conférences ou séminaires, n'est pas un cru exceptionnel. Tout au plus peut-on noter la sortie d'un livre d'histoire destiné aux classes de terminales qui se propose de rétablir certaines vérités à la fois sur l'Holocauste et sur la renaissance de l'État juif depuis 1948.

La crise financière affecte aussi les organisations juives, qui, toutes, se plaignent du manque d'enthousiasme des donateurs. Cependant, les besoins culturels de la Communauté ne semblent jamais avoir été aussi considérables, non pas que l'on assiste à un retour aux sources juives de la grande masse de la collectivité juive qui continue son chemin de l'assimilation, mais nombre de ceux qui prennent conscience de la valeur de leur patrimoine réclament davantage de connaissances et plus de sérieux dans le projet culturel juif de la Communauté.

Jacquot Grunenwald

Islam

Intégrisme : l'ascension

Un certain nombre d'événements spectaculaires, mais d'importance et de nature très différentes, font depuis cinq ans, de l'islam et du monde musulman un sujet qui retient l'attention des médias et de l'opinion en Occident. Parmi les faits les plus marquants, la révolution islamique en Iran et la prise de la Grande Mosquée de La Mecque, en 1979, la résistance nationale et religieuse en Afghanistan, à partir de cette même année, l'assassinat du président égyptien Anouar el-Sadate à l'automne 1981, la montée de l'agitation religieuse un peu partout dans le monde musulman, ainsi que la dimension religieuse que peut, parfois, revêtir l'agitation sociale dans l'industrie automobile française, grande utilisatrice de travailleurs immigrés du Maghreb et d'Afrique noire...