Journal de l'année Édition 1985 1985Éd. 1985

Seule Margaret Thatcher éclipse François Mitterrand dans l'esprit des dirigeants américains et de la presse d'outre-Atlantique ; mais il ne faut pas beaucoup pousser les experts de la Maison-Blanche pour entendre dire que ce président français est peut-être celui avec qui, depuis l'arrivée au pouvoir de De Gaulle, en 1958, les relations sont les plus cordiales.

De même, l'esprit européen du premier chef de l'État socialiste élu au suffrage universel n'est-il guère contesté chez ses neuf partenaires. Partout, la France rose est regardée comme un partenaire fiable et l'on attend même d'elle une relance politique de la Communauté en 1986. Les petits États (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, Danemark, Grèce, Irlande) affichent la certitude d'être mieux traités par la France depuis que la gauche l'a emporté.

Comme les liens entre Paris et Bonn ne se sont pas relâchés depuis que la droite a gagné en Allemagne fédérale, tout irait dans le meilleur des mondes pour la politique étrangère française.

La réalité apparaît cependant plus contrastée. Les États africains s'interrogent sur la solidité des engagements français et ne le cachent guère. Certains regardent même désormais à la dérobée vers Washington plutôt que vers Paris. Les pays de l'Est se plaignent amèrement d'un « manque de compréhension » de la France, et Moscou ne forme pas de vœux pour la victoire de la majorité présidentielle en 1986. La presse communiste mondiale se montre régulièrement très sévère pour François Mitterrand que la droite anglo-saxonne apprécie et que les marxistes orthodoxes tiennent pour un adversaire.

Reste le sujet le plus ambigu : les rapports Nord-Sud, c'est-à-dire avec les pays en voie de développement. Ils font la fierté de l'Élysée qui se félicite de l'image de la France socialiste dans le tiers-monde. Il n'est pourtant pas sûr qu'elle y soit si favorable : Paris y est considérée comme une puissance moyenne animée de bonne volonté, mais peu capable de modifier l'ordre des choses.

En somme, les conservateurs du monde entier considèrent la politique étrangère de la France comme globalement positive ; les communistes au pouvoir ne l'aiment pas, les tiers-mondistes la jugent velléitaire. La politique extérieure mitterrandienne, c'est vrai, est davantage prisée à l'étranger que dans l'Hexagone, mais le plus marquant tient à ce que ceux qui, hors de France, applaudissent le plus fort sont les cousins germains de ceux qui, en France, sifflent le plus.