La nouvelle liturgie a remplacé la messe de saint Pie V, dont le rituel fut mis au point il y a 450 ans. Cette transformation a avivé le mouvement d'opposition des traditionalistes aux réformes du Vatican, et elle a entraîné « le petit schisme » d'Econe, conduit par l'archevêque français Marcel Lefèvre.

Jacques Duquesne

Œcuménisme

La route est encore longue

C'est l'Église catholique qui a occupé le devant de la scène, du moins pour ce qui est des médias.

Cela dit, même les événements survenus dans l'Église catholique ont eu des répercussions œcuméniques. C'est ainsi que les voyages du pape comportent toujours une rencontre avec d'autres chrétiens. En Suisse, par exemple, Jean-Paul II était reçu officiellement au Conseil œcuménique des Églises (COE), à Genève. À cette occasion, on a pu mesurer le fossé doctrinal qui demeure entre les Églises membres du COE et l'Église romaine, dont l'adhésion au Conseil semble exclue, du moins sous le pontificat actuel.

Jean-Paul II est le premier, du reste, à reconnaître que la papauté constitue un des obstacles majeurs à l'unité des chrétiens. Se présentant comme l'évêque de Rome, il devait déclarer : « Lorsque l'Église catholique entre dans la rude tâche œcuménique, elle le fait en étant porteuse d'une conviction..., elle est convaincue d'avoir gardé, en toute fidélité à la tradition apostolique et à la foi des Pères, dans le ministère de l'évêque de Rome, le pôle visible et le garant de l'unité. »

Pour ce qui est de la théologie de la libération ou de la querelle scolaire en France, les Églises non catholiques n'ont pas adopté la même attitude que leur sœur romaine. À peine élu secrétaire général du COE, le pasteur uruguayen Emilio Castro nous disait, dans une interview au Monde : « La théologie de la libération est née de la lecture de la Bible dans le contexte latino-américain. Grâce à elle, les exploités ont pris conscience que la pauvreté n'est pas un châtiment divin mais le résultat d'un pouvoir injuste qu'il faut changer. Une telle théologie a naturellement toute ma sympathie. » Et de « rendre hommage publiquement » aux théologiens Gustavo Gutierrez et Leonardo Boff, qui « appartiennent à la famille œcuménique ». De même, pour la querelle scolaire, les protestants français ont pris le contrepied — comme ils l'avaient déjà fait pour la dissuasion nucléaire — des positions défendues par l'Église catholique. Dans une résolution votée lors de son synode national, réuni à Dourdan en mai, l'Église réformée de France rappelle « l'attachement du protestantisme français à la laïcité de l'école [qui] lui paraît toujours constituer une des sauvegardes de la liberté religieuse », et termine en regrettant « de voir ce débat devenir l'enjeu d'une lutte politique (...), et de voir la hiérarchie catholique engagée à un tel degré dans ce débat ».

Les protestants et la politique

Cela ne veut pas dire que les protestants ne font pas de politique, mais plutôt qu'ils se situent autrement. Le synode de Dourdan, par exemple, a montré la modernité protestante, non seulement face au problème scolaire mais aussi sur l'évolution des mœurs : contraception, euthanasie, problèmes bioéthiques et cohabitation en dehors du mariage. Et, dans le domaine proprement politique, les protestants s'engagent souvent plus « à gauche » que les catholiques. L'élection du pasteur Emilio Castro, connu pour, sa lutte contre l'injustice en Amérique latine, à la tête du COE en est un exemple, ainsi que l'élection, le mois suivant, à la présidence de la Fédération luthérienne mondiale, à Budapest, d'un évêque hongrois, le Dr Zoltan Kaldy, premier ressortissant d'un pays de l'Est à occuper cette fonction.

Les anglicans ne sont pas en reste dans la lutte pour la justice sociale. En octobre, l'évêque anglican noir sud-africain, Desmond Tutu, a reçu le prix Nobel de la paix pour son opposition sans relâche à l'apartheid. Le même mois, l'archevêque de Cantorbéry, le Dr Robert Runcie, chef de la communion anglicane, a suscité une controverse en Angleterre par ses critiques de la politique de Mme Thatcher, notamment face à la grève des mineurs et au fléau du chômage.