Journal de l'année Édition 1985 1985Éd. 1985

Est-ce parce que les loyers sont chers ? Les consommateurs dépensent en tout cas moins pour l'équipement de leur logement. Le marché des meubles est particulièrement touché, le public se détournant progressivement des grosses acquisitions (salle à manger complète, chambre) au profit des éléments plus légers en kit. D'autre part, les Français sont désormais largement équipés en appareils divers.

Santé

Les dépenses des ménages ont triplé en trente ans. Comparée avec la généralisation progressive de la couverture sociale, cette donnée reflète clairement la montée des nouvelles exigences liées à « la forme » et à l'épanouissement physique. Les femmes se montrent surconsommatrices de soins médicaux depuis l'âge de 15 ans, tandis que les hommes attendent les premiers effets de l'âge pour fréquenter plus assidûment les cabinets médicaux. La pharmacie, les lunettes et les appareils représentent plus du tiers des dépenses de consommation médicale de ville. Le budget transport et télécommunications montre également une croissance régulière. Mutation significative des comportements, la consommation de transports collectifs ne cesse de progresser, au détriment des transports individuels. Certes, environ 70 % des ménages possèdent une voiture, mais le coût de l'essence agit de façon dissuasive. Et les Français montrent une propension inquiétante à rogner sur les dépenses d'entretien de leurs véhicules.

Révélatrice enfin est l'augmentation régulière du poste consacré aux loisirs. Loin de se restreindre en période de crise, les Français veulent continuer à se distraire. Échappatoire pour oublier la dureté des temps ou consécration des valeurs « plaisir » dans notre civilisation de loisirs ? L'industrie du luxe ne peut s'en plaindre : caviar et foie gras ont enregistré des ventes records à Noël, et grands couturiers comme marques automobiles de prestige affichent une belle euphorie. Si, d'une façon générale, les consommateurs sont devenus très sensibles aux prix, ils n'hésitent pas à ouvrir leur porte-monnaie pour aller au théâtre, au cinéma ou au concert.

Béatrice D'Erceville

Mode

Un look d'humeur

Le look déborde la mode. Il ne se contente pas d'enregistrer les infinies variations de la hauteur des ourlets ou de la forme des cols, auxquelles la haute couture d'antan confinait ses saisons. Le look raconte des histoires, à la manière de ces « modes d'affabulation » que Marylène Delbourg Delphis dans le Chic et le look diagnostique chez les jeunes créateurs de la génération des 30-35 ans. Il ne privilégie pas, gratuitement, le changement pour le changement, mais, au contraire, en marquant l'individu par rapport à une tribu d'élection, à un réseau, il constitue une véritable profession de foi, une prise de position esthétique globale — ou une déclaration d'humeur.

À toutes sortes de sources

Selon les moments, certaines formes d'expression peuvent en précéder d'autres dans la course au renouvellement des formes. Ainsi, les looks des années 60 auront surtout subi l'influence des vagues successives de la pop music. Les années 70 auront vu les contestations s'inscrire dans un refus de la mode — qui n'en était pas moins un look... Depuis 1980, on peut déceler, par exemple, la subtile influence qu'exercent certains des ciné-clubs télévisés sur l'inspiration du milieu branché. On notera, ainsi, l'émergence d'un genre italien dans le courant de l'été 84, coïncidant avec un cycle consacré au cinéma de ce pays sur une chaîne de télévision. Comme dans les films de Zurlini, nos « giovanni » locaux se déplacent en bandes à nette prépondérance masculine, arborant des chemisettes en imprimés roulées sur les bras, quelques courtes mèches juvéniles sur le haut du front et des pantalons noirs étroits. Le triomphe des scooters qu'on préfère de formes galbées, comme les fameux sèche-cheveux des Mods de 1965, participe manifestement du même esprit. L'expression la plus achevée de ce look « giovanni », on la trouve dans le clip de rentrée d'Étienne Daho, Week-end à Rome.

Nostalgie de l'exotisme

La décoration intérieure des repères préférés de la galaxie branchée annonçait, elle aussi, depuis quelque temps, des évolutions en cours. Ainsi la froideur hygiénique de certains restaurants ou clubs carrelés-grillages tendance bunker, qui avait fait les beaux jours sinistres de la tribu « new wave » (look robotique et glacial), a-t-elle fini par lasser. À Paris, ils ont été supplantés par d'autres, s'inspirant souvent d'un exotisme aux nostalgies coloniales, comme le Tango, d'inspiration créole, ou la Mousson, clin d'œil à l'armée des Indes. Au moment où le cinéma découvrait de son côté le même filon. Les créateurs ne sont pas restés indifférents à ce vent de mousson, en particulier les nouveaux Japonais, comme Yohji Yamamoto, qui en a tiré des robes de lin blanc resserrées sur les poignets ou de vastes pantalons de mousseline. Il a inspiré à Montana le véritable uniforme d'une année imaginaire mais vraisemblablement située dans le sous-continent. La rue, elle, en a surtout retenu le lin, souvent noir, qui s'est froissé, tout l'été, avec infiniment de grâce ; et la saharienne d'exploratrice, hardiment ceinturée. Au même moment, l'Anglais Scott Crolla présentait une mode orientaliste, pleine d'impressions cachemire — un des thèmes majeurs de l'hiver 84-85, et tout ce qui semble rester là-bas de l'éphémère mode néo-psychédélique.