Le ministère de la Culture semble en avoir pris conscience. Certaines de ses réformes, notamment celles qui concernent le cahier des charges des Centres dramatiques nationaux, vont clairement en ce sens. Elles ne tarderont pas à porter leurs fruits. Il est vrai qu'elles rencontrent déjà une certaine résistance de la part de metteurs en scène peu soucieux de voir mis fin à leurs privilèges. Mais il est probable que le retour du public au théâtre réussira à infléchir son évolution.

Succès et échecs

1984 aura donc été une mauvaise année pour certains metteurs en scène consacrés. Nous n'allons pas dresser la liste complète des échecs, mais on ne peut passer sous silence ceux qui sont significatifs. Parmi les plus importants :

L'École des femmes de Molière à la Comédie-Française. Mise en scène de Jacques Rosner. Avec Jean Le Poulain.

Tartuffe de Molière au Théâtre national de Strasbourg. Mise en scène de Jacques Lassalle. Avec Gérard Depardieu et François Périer.

Henri IV de Shakespeare au Théâtre du Soleil. Mise en scène d'Ariane Mnouchkine.

Est-il bon ? Est-il méchant ? de Diderot à la Comédie-Française. Mise en scène de Jean Dautremay.

La Mouette de Tchékhov au Théâtre national de Chaillot. Mise en scène d'Antoine Vitez.

Le Roi Lear de Shakespeare au Théâtre national de la Criée (Marseille). Mise en scène de Marcel Maréchal.

La Double Inconstance de Marivaux au Théâtre de l'Est parisien. Mise en scène de Michel Dubois.

Cinna de Corneille et la Mort de Sénèque de Tristan l'Hermite à la Comédie Française. Mises en scène de Jean-Marie Villégier.

Le spectacle Ionesco de Roger Planchon, présenté par le TNP à l'Odéon. Avec Jean Carmet.

Faversham d'un anonyme élisabéthain au Théâtre de la Ville. Mise en scène de Lucian Pintillé.

Dom Juan de Molière au théâtre des Bouffes-du-Nord. Mise en scène de Maurice Bénichou. Avec Niels Arestrup.

Rue de la Folie Courteline à la Comédie-Française. Mise en scène de Patrice Caurier et Moshe Leiser.

Le Prince de Hombourg de Kleist au TNP de Villeurbanne puis à l'Odéon. Mise en scène de Manfred Karge et Mathias Langhoff. Avec Gérard Desarthe.

Ivanov de Tchekhov à la Comédie-Française. Mise en scène de Claude Régy. Avec Roland Bertin, Jean-Paul Roussillon, Jean-Paul Moulinot.

Le Misanthrope de Molière à la Comédie-Française. Mise en scène de Jean-Pierre Vincent. Avec Michel Aumont et Ludmila Mikaël.

L'Illusion de Corneille au Théâtre national de l'Odéon-Théâtre de l'Europe. Mise en scène de Giorgio Strehler.

Sans doute un certain nombre de ces spectacles ont-ils eu du public. Dans les théâtres subventionnés, le système des abonnements assure vaille que vaille un certain taux de fréquentation. Mais nous sommes amenés à constater la triste contre-performance de la Comédie-Française, depuis qu'elle est passée aux mains de Jean-Pierre Vincent. Ensuite, cette liste rassemble les noms des metteurs en scène les plus en vogue. Enfin, il s'agit presque toujours de textes classiques. Ce qui confirme notre impression d'ensemble : il y a actuellement une certaine lassitude vis-à-vis du répertoire traditionnel, surtout lorsqu'il est systématiquement détourné de son sens et dévoyé par le cabotinage des metteurs en scène.

Voyons à présent les succès de l'année 84. Ils sont souvent le fait d'auteurs inconnus ou peu connus :

Albatros, création de Richard Demarcy au Théâtre de la Tempête. Mise en scène de l'auteur.

Angelo, tyran de Padoue de Victor Hugo au théâtre du Rond-Point. Mise en scène de Jean-Louis Barrault.

Tchin-Tchin de François Billetdoux au théâtre Montparnasse. Mise en scène de Peter Brook. Avec Marcello Mastroianni.

Cacodémon roi, création de Bernard Chartreux au Théâtre national du Nord-Pas-de-Calais. Mise en scène d'Alain Milianti.

Terre étrangère, création d'Arthur Schnitzler au Théâtre national de Nanterre. Mise en scène de Luc Bondy. Avec Michel Piccoli. (Grand prix de la critique dramatique pour l'année 1984.)

Long Voyage vers la nuit d'O'Neill au Théâtre 13. Mise en scène d'Alain Françon. Avec Nelly Borgeaud et Jean-Marc Bory.