L'apothéose, ce sera Sarah, l'énigmatique Maîtresse du lieutenant français. Une identification bouleversante. Une aura magique. La star est née. Le choix de Sophie fait le reste. Un rôle a priori totalement à l'opposé de la personnalité de l'actrice, malgré ses pommettes ! Un rôle obtenu à l'arraché, un rôle que Meryl voulait. Qui ne pouvait pas lui échapper. Pour le tenir, elle a appris l'allemand et le polonais, elle a maigri, elle a changé de peau. Ses tremblements, ses rires nerveux, ce cou qui s'incline, cette sensualité, cette émotion à fleur de peau, mais d'une peau... d'écorchée vive, c'est, au-delà de la performance, comme une réincarnation. Le tournage terminé, Meryl retrouve sérénité et train-train quotidien. C'est peut-être ça, une star...

Italie : le creux

À l'image des très décevants Derniers monstres de Dino Risi, lourds et vulgaires (mais il est vrai, sans Gassman ni Tognazzi), les derniers... monstres sacrés italiens semblent, décidément, fatigués. Fellini, avec E la nave va, tout plein cependant de superbes images crépusculaires, déçoit à Venise. Ferreri, dans L'histoire de Piera, qui vaut à Hanna Shygulla un prix d'interprétation à Cannes, donne l'impression de ne plus très bien savoir ce qu'il veut dire. Seul Comencini, dans cet Imposteur peut-être divin qui, dans l'Italie chaotique d'aujourd'hui, apporte un peu d'amour désintéressé et de générosité innocente, paraît garder, après une longue carrière, invention et originalité, se renouvelant au lieu de se pasticher (ce qui, d'ailleurs, ne lui sert en rien, le film n'ayant pas fait carrière...). Ernano Oloni n'a pas fait, avec À la poursuite de l'étoile, l'unanimité de son Arbre aux sabots de naguère. Enfin, Ettore Scola a filmé, en en renouvelant la formidable invention, le Bal du théâtre du Campagnol. Superbe, mais est-ce une véritable création ? L'année serait un peu creuse sans la fastueuse, brillante, émouvante Traviata de Zeffirelli, dont les ors, les pourpres et les voix d'or (Teresa Stratas, Placido Domingo) ont sans doute largement contribué à faire découvrir la magie de Verdi et, peut-être, de l'opéra en général à un public qui n'aurait jamais songé se rendre au Palais Garnier.

Enfin, à surveiller du coin de l'œil, un nouveau venu, Luciano Tovoli, à vrai dire déjà très connu mais seulement comme chef opérateur, qui, adaptant un roman d'Ismael Kadaré, Le général de l'armée morte, a su, grâce il est vrai à Marcello Mastroianni (qui donne ici un trop libre cours à son cabotinage) et surtout à Michel Piccoli, producteur du film et fascinant interprète, exploiter l'étrangeté de l'histoire avec une maestria qui annonce, peut-être, la naissance d'un nouveau grand...

Reste un film, présenté à Venise sous la bannière italienne, qui restera dans les mémoires et qui sort, lui, tout à fait des normes : Nostalghia du Soviétique Andrei Tarkovsky.

Cinémas du monde

L'internationalisation des capitaux, précisément, donne naissance au plus intéressant des films commercialisés sous la bannière de la RFA : L'impératif, du Polonais Krystoff Zanussi, une méditation austère sur le libre arbitre que Robert Powell interprète... en anglais. Intéressante aussi, malgré ses défauts. L'amie, de Margaretha von Trotta, portrait un peu trouble de deux femmes, Angela Winkler et Hanna Shygulla. Peu convaincant, en revanche, le film posthume de Fassbinder, La femme du chef de gare, et le très expressionniste et assez pénible Jour des idiots de Werner Schroeter. Quant à Volker Schloendorff, il fut, cette année, tout entier voué à la gageure d'adapter, en France, mais avec une distribution internationale La recherche de Marcel Proust... Année creuse pour le cinéma allemand !

Année faste, en revanche, pour la Grande-Bretagne, qui semble, depuis quelque temps, retrouver un second souffle. On lui doit, en effet, l'un des très grands films de 1983 : Gandhi, de Richard Attenborough. Une évocation, en plus de trois heures, de la vie et de l'action de l'apôtre de la non-violence, un peu simplifiée, et un tantinet hagiographique, mais respectant scrupuleusement l'histoire et l'esprit du Mahatma. Jamais ennuyeuse, à des lieues de tout didactisme froid. Et, surtout, interprétée par un prodigieux petit homme dont le visage émacié, les yeux brûlants de passion pour la justice resteront inoubliables : Ben Kingsley, acteur shakespearien dont l'identification à son personnage est proprement prodigieuse.