Les comédies sont dominées par l'allègre Un fauteuil pour deux, où John Landis imagine qu'un clochard prend la tête d'une multinationale et se moque fort insolemment du capitalisme triomphant. Eddie Murphy, révélé dans 48 heures, y confirme son irrésistible drôlerie. Mais on peut aussi citer Les meilleurs amis de Norman Jewison, où Goldie Hawn et Burt Reynolds jouent à ne plus s'aimer, Où est passée mon idole ?, de Benjamin Franklin, où Peter O'Toole joue les stars déçues et alcooliques, et T'es fou Jerry, retour un peu anémié de Jerry Lewis aux gags de ses premiers amours.

Performances d'acteurs

Jerry Lewis, on l'a revu aussi dans un film de Martin Scorsese, La valse des pantins, où il joue son propre rôle face à un fou pathétique à la tête tournée par le show-biz, incarné, magistralement, par Robert de Niro. Le scénario laisse le spectateur sur sa faim, les interprètes emportent l'adhésion. Les interprètes, d'ailleurs, on voudrait tous les citer dans les films les plus réussis dont l'année a été si féconde. Paul Newman, avocat déchu retrouvant son énergie dans Verdict de Sydney Lumet, Richard Gere, sorti du ruisseau pour devenir Officier et gentleman dans le vigoureux film du même nom, Jessica Lange, prodigieuse Frances, réincarnation d'une authentique vedette du Hollywood des années 30 qu'une mère tyrannique et une médecine psychiatrique barbare détruisirent à jamais... Et puis, surtout, les deux géants qui ont dominé l'année américaine et mondiale : Meryl Streep et Dustin Hoffman. La première est inoubliable dans la peau d'une jeune Polonaise rescapée des camps nazis et éprise d'un juif new-yorkais aussi brillant que dangereusement fou : a priori inadaptable au cinéma ; le superbe roman de William Styron, Le choix de Sophie, passe, grâce à elle — et à l'intelligence de son metteur en scène, Alan Pakula —, merveilleusement à l'écran. Le second, sous la houlette du très subtile Sydney Pollak, fait dans Tootsie une éblouissante composition d'homme qui se grime en femme pour échapper au chômage (il est comédien) mais qui, tout en restant très viril, découvre comme de l'intérieur les problèmes de celles qu'il continue à vouloir prendre dans ses bras. D'une finesse, d'une intelligence, d'une justesse rares.

Enfin, et là l'interprète s'efface devant son double, le metteur en scène — ici d'une technique prodigieuse — et scénariste — ici d'une invention tout à fait exceptionnelle —, Woody Allen est revenu. Avec une fable éblouissante en forme de faux documentaire, Zelig. Controversé parce que sans doute trop original, ce portrait plus vrai que nature d'une sorte d'homme-caméléon mêlé, grâce à d'extraordinaires trucages de la pellicule, aux plus grands événements de l'entre-deux-guerres constitue une nouvelle étape dans l'œuvre d'un des plus grands cinéastes d'aujourd'hui.

Portrait
Meryl Streep, la nouvelle star

Est-elle vraiment belle ? Des cheveux coiffés à la diable, et qui cachent ses yeux, des pommettes saillantes qui lui donnent un teint de porcelaine, une sorte de fragilité apparente qui cache, en fait, une volonté de fer...

Meryl Streep, la nouvelle star, la Greta Garbo des années 80, a tout pour faire un monstre sacré : elle ne ressemble à personne. À la ville, elle ne paie pas de mine. Joue-t-elle ? Elle prétend détester les mondanités, et se consacre, entre deux tournages, à sa famille — elle a épousé un sculpteur, elle élève deux petits enfants — et c'est en robe de grossesse qu'elle est montée, en avril, sur le podium recevoir son Oscar, comme une jeune femme très ordinaire... Mais, à l'écran, tout change. Un petit rôle dans Julia, et c'est déjà la gloire : l'Oscar du meilleur second rôle féminin pour Voyage au bout de l'enfer. Holocaust, pour la télévision, risque pourtant de donner d'elle une image stéréotypée, celle d'une blonde un peu froide, courageuse, « strictement noble, noble, noble ». Tout ce qu'elle ne veut pas être... Mais Holocaust, succès mondial, lui fait aussi gravir les marches de la gloire. Et, sans doute, mais elle ne le sait pas encore, commence à projeter sur elle l'ombre des camps de la mort d'où Sophie sortira, à jamais meurtrie, inoubliable... Sans cesser de jouer pour le théâtre, Meryl enchaîne deux grands rôles à l'écran. Dans deux films à succès, qui sont aussi deux bons films : Kramer contre Kramer, où ses larmes resteront légendaires, et Manhattan, où Woody Allen lui donne, malicieusement, le rôle d'une épouse lesbienne. Chaque fois, le personnage est différent. Chaque fois, Meryl Streep l'habite complètement...