À quelques jours d'intervalle ont été installés en France un comité consultatif d'éthique pour les sciences de la vie et de la nature et un office parlementaire d'évaluation des sciences et des techniques : la société française, à l'instar des grandes démocraties et d'abord des États-Unis, fait entrer, de manière encore plus intense, la science dans le champ des préoccupations essentielles. Désormais, les choix finaux ne dépendront pas seulement des techniciens et des avis orientés des experts : preuve sans doute de l'inquiétude que suscite l'arrivée spectaculaire et rapide des techniques nouvelles. Le deuxième phénomène de société, c'est que la culture devient un enjeu politique. On s'en était aperçu quand, au lendemain des élections municipales, certaines maisons de la culture ont changé de direction et d'autres ont vu diminuer leurs budgets. On ne craint plus d'avoir pour objectif d'« arracher à la gauche le monopole de la culture » et de « lutter contre l'emprise idéologique qui pèse sur la vie intellectuelle, sur la vie culturelle et sur l'information de notre pays » : pour la gauche et la droite, la culture devient un lieu de bataille. Troisième phénomène de société : la culture, son marché, ses activités apparaissent aussi comme un enjeu économique et une réponse à la crise. Il est vrai que les industries culturelles, entraînées par l'irruption de l'image, de la communication et de toutes les formes de création et de production, tiendront probablement, d'ici à la fin du siècle, une part non négligeable dans l'économie. Mais la croissance de ces industries commence à peine. Cependant, en 1983, pour la première fois sans doute dans nos sociétés modernes, la culture semblerait en position de déterminer le développement matériel et d'agir sur l'économie.

Jean-Robert Leselbaum