Mais cette « liberté » demeure soumise à l'objectif prioritaire de la lutte contre la hausse des prix. Des pratiques anti-concurrentielles sont sanctionnées par des amendes de 2,07 millions de F dans le secteur de l'horlogerie-bijouterie, tandis que d'autres dossiers (électroménager, skis, serrures) attendent une décision ministérielle. Surtout, les marges de la distribution restent sous surveillance. Pour sortir du blocage institué en 1982, la distribution doit s'engager, secteur par secteur, à respecter une évolution raisonnable des prix (maintien de la marge globale, diminuée de 2 %). Partout, des accords de modération sont signés, et les dépassements sont réprimés avec vigueur. Jacques Delors bloque impérativement, début octobre, les prix du secteur hôtellerie-restauration qui avaient atteint, depuis janvier, des hausses allant jusqu'à 10 %.

Déficitaires

Les professionnels protestent et plaident le dossier d'une distribution qui éprouve de sérieuses difficultés. Les ventes ont globalement progressé de 1,7 % en volume — elles ont pratiquement stagné en alimentaire — et on observe une dégradation du revenu et de la rentabilité des entreprises. L'appareil commercial a continué de se réduire (487 établissements de détail en moins), à un rythme cependant moins rapide qu'auparavant. Nombre de sociétés ont clos l'exercice avec des comptes déficitaires... Le commerce est d'autant plus inquiet que l'année 1983 s'annonce difficile : les ventes sont médiocres en début d'année, elles amorcent une reprise en avril, suivie d'un nouveau fléchissement. Ce tassement affecte plus directement le grand commerce que les petits indépendants, tandis que la vente par correspondance demeure performante. Beaucoup d'entreprises programment des réductions de frais et elles orientent leurs investissements vers des gains de productivité.

Informatique

Le commerce poursuit son mouvement de restructuration et de concentration. Le système de franchise se développe, il représente aujourd'hui 8 % de l'activité commerciale de détail. Par ailleurs, fusions et regroupements se succèdent : les Magasins réunis prennent peu à peu l'enseigne du Printemps, les supermarchés et supérettes Ravi sont cédés par Peugeot à la Cédis, le groupe Myris prend le contrôle des 35 magasins Heyraud, As-Eco absorbe un groupement de distribution d'Île-de-France, le rapprochement entre les Docks de France et Genty Cathiard fait de Go Sport la plus importante chaîne de magasins de sport...

La profession observe avec intérêt le développement de la restauration rapide (500 établissements qui ont réalisé un chiffre d'affaires de 1,3 milliard de F en 1982), et on parle beaucoup du succès spectaculaire de la chaîne suédoise Ikéa, qui ouvre son 3e magasin de meubles en kit à Évry en octobre.

Mais les distributeurs ont aussi l'œil tourné vers l'intérieur de leurs magasins. Cette année, l'affichage des prix au litre et au kilo est devenu obligatoire pour une quarantaine de familles de produits. Appliquée depuis le 1er mars dans les hypermarchés et depuis le 1er juillet dans les supermarchés, la mesure impose un surcroît de travail aux professionnels, mais l'administration se montre tolérante envers les magasins en retard sur l'échéance. Et puis le commerce s'informatise : cartes de paiement, imprimantes automatiques de chèques, caisses électroniques, et, bien sûr, lecteurs optiques. À la mi-1983, 102 entreprises de distribution sont équipées de scanners ou de crayons optiques, qui lisent les renseignements (prix, catégorie) sur les produits équipés de codes barres.

Guerre de l'essence

L'année 1983 restera surtout l'année Leclerc. Président d'un groupe de grandes surfaces (412 centres distributeurs en 1982, un chiffre d'affaires de 28 milliards de F), Édouard Leclerc ne se contente plus de baisser le prix des livres, en infraction avec la loi. À partir de juin, il s'attaque à l'essence : il offre aux consommateurs un discount qui va jusqu'à 30 centimes par litre, largement au-dessus du rabais maximal autorisé (10 centimes). Les automobilistes, ravis, se précipitent vers ses magasins, et aussi vers ceux de son frère, Michel Leclerc, qui dirige indépendamment un réseau de 350 stations-services. Homme de médias, champion du discount, Édouard Leclerc orchestre autour de son initiative une vaste campagne publicitaire. Après le fameux « Halte aux dévaluations, non à la baisse du pouvoir d'achat », c'est une succession d'affiches qui plaident, en octobre, pour son « parti prix ».