Approuvé par l'État (actionnaire commun et unique des deux protagonistes) en septembre 1983, le nouveau dispositif fait de la CGE le champion de la communication au sens large (téléphonie publique et privée, transmissions, activités spatiales, réseaux, bureautique, et tout ce qui touche de près ou de loin à la télématique) et de Thomson le leader de l'électronique grand public (téléviseurs, magnétoscopes, appareils ménagers), de l'électronique militaire (radars embarqués) et des composants électroniques (circuits intégrés, puces). Tout cela passe, évidemment, par l'échange de filiales spécialisées, la création de nouvelles structures juridiques, et, une fois de plus, la participation financière de l'État.

Apparemment équilibré, cet accord privilégie en fait la CGE puisqu'il renforce ses positions dans des activités en plein développement, alors qu'il cantonne Thomson dans des secteurs difficiles. Seul l'avenir dira si cette redistribution des cartes est vraiment judicieuse. Est-il bon pour les PTT, gros consommateurs de centraux téléphoniques, d'avoir désormais en face d'eux un constructeur français unique ? La fusion des activités téléphone de la CGE et de Thomson ne va-t-elle pas se traduire, au moins pendant un temps, par une grande confusion au niveau des hommes et des moyens de production ? La CGE ne sera-t-elle pas contrainte de concentrer ses efforts techniques et commerciaux sur un seul type de téléphone, diminuant ainsi de moitié le catalogue de l'industrie française dans la spécialité ? Réduite à la portion congrue, Thomson pourra-t-elle poursuivre son développement ?

Les difficultés économiques du moment et les rigueurs de la compétition internationale constituent parfois un puissant facteur de changement.

Télécommunications
Les grands projets des P et T

Annuaire électronique, réseaux câblés, satellites, les grands projets sont mis en chantier dès 1983. Pour ces nouveaux services, 11 milliards de F sont prévus sur 1983-84. Le budget consacré au téléphone traditionnel (22,6 millions en 1983) diminue, en part relative, au profit de la recherche (2,7 milliards) et des investissements liés aux nouveaux services (2,3 milliards). Les crédits réservés à ces nouveaux services sont passés de 0,2 milliard en 1979 à 1,9 milliard en 1983.

Pour le téléphone, les P et T adoptent une charte de gestion. Il s'agit de 1983 à 1986, pour attirer de nouveaux clients, de diminuer les tarifs réels et d'augmenter les services. Le taux d'équipement des ménages passerait ainsi de 83 % en 1982 à 94 % en 1986, avec moins de quinze jours de délai d'attente, une facturation détaillée, une augmentation des rattachements à un central téléphonique temporel.

En ce qui concerne la poste, où les problèmes d'étalement et de livraison du courrier demeurent aigus, dans un climat social dégradé, une charte similaire est en préparation.

Hervé Jannic

Construction mécanique

Le défi de l'automatisation

L'effondrement de la société Manurhin, dû aux pertes subies par ses départements de machines-outils, illustre les difficultés rencontrées par l'ensemble du secteur de la construction mécanique française. Secteur complexe : il approvisionne en biens d'équipement la plupart des autres activités, y compris l'agriculture (tracteurs, machines agricoles), le bâtiment (manutention, levage) et certains services (matériel ferroviaire). Il dépend donc étroitement de la conjoncture générale (mauvaise) et notamment des investissements, qui ne cessent de régresser depuis plusieurs années. Victime de l'austérité imposée par les problèmes monétaires et la lutte contre l'inflation, le marché national ne devrait d'ailleurs guère s'améliorer en 1984.

La régression est sévère depuis plusieurs années. Le volume de la production globale du secteur a fléchi successivement de 2,3 % en 1981, de 0,3 % en 1982, de 2,2 % en 1983, provoquant des réductions d'effectifs de 3,5 %, puis de 1,9 % et 3 % (on évalue à 130 000 les pertes d'emplois depuis 1974). La dégradation est particulièrement forte pour les matériels de travaux publics et les équipements destinés à la sidérurgie, avec un recul de la production de 19 % en trois ans ; pour la chaudronnerie, – 25 % ; pour les machines-outils, – 26 %. Il n'y a guère que le machinisme agricole, longtemps en crise, qui affiche actuellement une légère croissance, due surtout aux exportations.

Restructuration
Le projet de Creusot-Loire

Après quatre mois de négociations avec les pouvoirs publics, Creusot-Loire — premier groupe français du secteur de la mécanique — s'est donc débarrassé en octobre 1983 de son maillon le plus faible, les aciers spéciaux cédés à Usinor et Sacilor. Mais, en échange, le groupe a dû céder aussi 20 % du capital de Framatome spécialisé dans les chaudières nucléaires au Commissariat à l'Énergie atomique (CFA). C'est assurément un renoncement. Ce plan qui conduit Schneider, société mère de Creusot-Loire à s'engager plus à fond aux côtés de sa filiale était indispensable pour Creusot-Loire qui aura perdu de 1978 à 1983 près de 2 milliards de F. La filiale d'Empain-Schneider est-elle assurée d'être sauvée ? Rien n'est encore définitivement gagné.

Retard dans la modernisation

La construction mécanique française n'est évidemment pas la seule victime de la contraction du marché des biens d'équipement qui, à l'échelle mondiale, a atteint 3 % en 1982. Mais les situations des principaux marchés intérieurs sont très contrastées. Par rapport à 1974, la demande intérieure a fléchi, en 1982, de 12,9 % pour la mécanique française, tandis qu'elle progressait de 9,5 % en RFA, de 5,1 % aux États-Unis et de 26 % au Japon. Ces performances ont été réalisées grâce à la modernisation intensive des appareils productifs de ces trois pays, qui disposaient déjà d'industries mécaniques puissantes.