Ce taux moyen masque évidemment de fortes disparités. La construction électrique est en effet un secteur énorme (près de 500 000 salariés) qui va de la production de grosses machines tournantes à la fabrication de sèche-cheveux.

Avec en toile de fond cette évolution globalement peu encourageante, des grandes manœuvres particulièrement spectaculaires se sont déroulées tout au long de l'année 1983.

Thomson

La première, dont le coup d'envoi a été donné le 18 novembre 1982, concerne l'entrée en force de Thomson dans l'électronique grand public. C'est à cette date, en effet, qu'un accord de principe fut signé avec Grundig aux termes duquel la firme allemande céderait à Thomson 75 % de son capital. Comme Grundig détient environ 25 % du marché allemand de l'électronique grand public (et 7 % du marché français de la télévision) et que Thomson détient le tiers du marché français (et, grâce à ses filiales d'outre-Rhin Nordmende et Dual, 17 % du marché allemand de la télévision), l'ensemble Thomson-Grundig aurait représenté une force considérable à l'échelle européenne. Mais, quatre mois plus tard, l'Office allemand des cartels refusait de donner son feu vert. Thomson ne perdit pas courage et réagit immédiatement en rachetant 75 % des actions d'une autre firme allemande : Telefunken. Aujourd'hui, Thomson-Telefunken contrôle le quart du marché allemand de la télé-couleurs, et espère réussir une percée significative dans le domaine des magnétoscopes grâce à une usine d'une capacité de production de 200 000 appareils par an (qui peut être portée à 600 000), usine exploitée à Berlin en copropriété par Telefunken, le groupe britannique Thorn-EMI et le japonais JVC.

Bull

La renaissance de Bull constitue la deuxième grande manœuvre. Pionnier de l'informatique dans les années 60, Bull a été successivement rachetée par l'américain General Electric, cédée à un autre groupe américain — Honeywell — et enfin fusionnée avec la CII. Nationalisée en 1982, la CII Honeywell Bull vit, un an plus tard, la part de son actionnaire américain réduite de 49 % à 19,9 %. La francisation du capital s'accompagna tout logiquement de la francisation de la raison sociale. D'où la décision de revenir à l'appellation d'origine : Bull.

Parallèlement, des rachats et des regroupements internes modifiaient profondément l'organigramme de la compagnie. Désormais, Bull regroupe les ordinateurs de l'ex-CII HB, les micro-ordinateurs de R2E (une petite firme acquise en 1979) et de SEMS (ex-Thomson), et enfin l'activité bureautique de Transac (ex-CGE). Ainsi réorganisée et forte d'un supplément de dotation en capital (700 millions de F) apporté par l'État, Bull espère pouvoir revenir à l'équilibre financier en 1986. Voilà qui trancherait avec les lourds déficits enregistrés depuis de nombreuses années. Les experts assurent que cet énième plan calcul français est plus fiable que les précédents. Notons toutefois que la firme a deux handicaps majeurs : le désir de vouloir tout faire, et une concurrence américaine (notamment d'IBM) plus dangereuse que jamais.

134 317 ordinateurs

La France comptait 134 317 ordinateurs en janvier 1983, soit une progression de 21,3 % par rapport au même mois de 1982, alors que la croissance annuelle du parc était de 20,4 % au cours des dix dernières années.

Le chiffre d'affaires de la profession, qui emploie 51 000 personnes, s'est élevé à 34,1 milliards de F en 1982, en progression de 30 %, alors que l'augmentation avait été de 24 % l'année précédente.

Le déficit du commerce extérieur de l'informatique s'est lourdement aggravé, passant de 2,2 milliards en 1981 à 5,8 milliards l'année suivante. Cette tendance s'est également vérifiée pour les machines de bureau : 4 milliards de déficit en 1982 contre 3 milliards en 1981. La production française n'occupe que 20 % du marché français des micro-ordinateurs.

Meccano industriel

Troisième grande manœuvre : la gigantesque partie qui remet en cause la stratégie de la CGE et de Thomson, les deux poids lourds du secteur. Objectif : doter la France d'un groupe de stature internationale dans le domaine des télécommunications. Jusqu'à présent, les deux entreprises (qui totalisent globalement 100 milliards de F de chiffre d'affaires) étaient des touche-à-tout de la construction électrique. L'une et l'autre étaient présentes dans le téléphone, dans l'informatique, dans l'électronique grand public, et dans l'électronique militaire.