La contrepartie, rassurante, de la crise que traverse le bâtiment est une modération de la hausse des coûts de la construction qui, selon les divers indices, se situait entre 7 % et 9 % en tendance annuelle au cours du premier semestre 1983, contre 11 % à 15 % l'année précédente. L'évolution des prix a été plus complexe sur le marché des logements. Toujours spéculatifs dans les centres-villes des grandes métropoles par suite de la rareté des locaux disponibles, les prix ont parfois baissé de 10 % à 20 % pour les résidences excentriques ou secondaires. Il est vrai que les niveaux de prix atteints après deux décennies d'activité souvent anarchique étaient devenus aberrants.

Michel Herblay

Chimie

Le vaste chambardement

Depuis que l'essentiel de son appareil productif a été nationalisé, en 1982, la chimie française a encouru (plutôt qu'entrepris) la plus vaste redistribution de cartes de toute son histoire. Événement unique en son genre, on a purement et simplement dépecé les activités, lourdement déficitaires, de PCUK (la chimie de Pechiney Ugine Kuhlmann), désormais réparties entre trois groupes français (CDF-Chimie, Rhône-Poulenc et Elf Aquitaine) et un groupe étranger, le Britannique ICI. Rhône-Poulenc est sorti des engrais (alors qu'il était le premier producteur français !) et Total est sorti de la pétrochimie. Nobel Bozel a pratiquement disparu, après la dispersion des activités — peinture, électrométallurgie, plastiques — qui lui restaient encore. Enfin, Roussel-Uclaf, fleuron de notre pharmacie, est devenu, dans les faits, une filiale du groupe allemand Hoechst.

Le grand chambardement aboutit au résultat suivant :
– un grand groupe pétrochimique, qui, à partir du pétrole raffiné et de son sous-produit, le naphta, contrôle l'essentiel de la production de « grands intermédiaires » chimiques, lesquels servent à la production, notamment, de fibres synthétiques et de plastiques. Il s'agit d'Elf Aquitaine, désormais seul maître à bord dans Chloé (ex-Rhône-Poulenc) et ATO (ex-Elf-Total à 50-50). Avec 25 milliards de F de chiffre d'affaires, la pétrochimie d'Elf Aquitaine est au troisième rang européen par la taille, mais elle n'est pas encore rentable.
Elle l'est tout de même davantage que CDF-Chimie, notre deuxième pétrochimiste, dont la vocation à terme paraît devoir être les engrais et les plastiques, c'est-à-dire un glissement vers l'aval (et donc l'abandon de l'amont à son grand frère) ;
– deux grands producteurs d'engrais. Tel était depuis toujours le rêve de l'administration. Il a pu être réalisé grâce à la persuasion dont peut user un actionnaire unique vis-à-vis d'entreprises tragiquement déficitaires. On a donc rapproché une partie des engrais de Rhône-Poulenc (la GESA) d'une filiale des Charbonnages de France (Azote et Produits chimiques), et l'autre partie (la Sopag) d'une filiale de Total et de Paribas, la Cofaz. Cette simplification des structures comporte deux risques. Le premier, c'est que les agriculteurs — clients — ne préfèrent s'approvisionner ailleurs, chez des fournisseurs allemands ou hollandais, comme ils le font déjà. Le second, c'est que la rationalisation ne résout en rien le problème de fond de cette industrie, qui est le coût de la matière première, en l'occurrence l'azote tiré du gaz. L'azote français coûte trop cher pour rendre ses dérivés rentables. Le problème relève bien plus de la politique gazière que de la politique industrielle ;
– deux grands pharmaciens. La Sanofi, filiale d'Elf Aquitaine, et Rhône-Poulenc porteront désormais la bannière de notre industrie pharmaceutique. Rhône-Poulenc a reçu notamment Pharmuka, la filiale pharmaceutique de PCUK, tandis que la Sanofi veillera au développement de l'Institut Pasteur. De gros laboratoires privés subsistent certes (Servier, Delalande et Synthélabo, filiale de L'Oréal), mais le coût d'une nouvelle molécule dépasse les capacités de recherche de la plupart d'entre eux. Ajoutons que le contrôle sévère imposé aux prix des produits pharmaceutiques (équilibre de la Sécurité sociale exige) rend hypothétique leur rentabilité future.