Si un certain nombre de groupes industriels de l'alimentation font figure de vedettes à la Bourse de Paris, ce n'est pas par miracle, mais bien parce qu'ils ont fait le pari de l'expansion internationale. Les succès qu'ils remportent à l'exportation, les actifs qu'ils ont acquis à l'étranger leur valent la faveur des investisseurs, inquiets de la stagnation économique en France et de la faiblesse du franc. L'étranger pour ces grandes entreprises — qui ne sont pas toutes cotées en Bourse — n'est pas, toutefois, la seule voie de la croissance.

Les entreprises de l'agro-alimentaire cherchent aussi à accroître leurs parts de marché dans l'Hexagone et en Europe, et à diversifier leurs activités, à l'exemple de ce qu'ont fait dans les dernières années Moët-Hennessy ou BSN, qui n'ont pas dit leur dernier mot.

Ainsi BSN vient-il en fin d'année, de s'établir dans le Champagne en prenant une participation dans le capital de Pommery et Greno d'une part et de Lanson, d'autre part. Du yaourt et de la moutarde au « roi des vins », ce n'était pas évident. Mais le premier groupe agro-alimentaire français (25 milliards de chiffre d'affaires cette année) estime qu'un produit de prestige ne peut que servir sa stratégie d'internationalisation de ses activités.

Ainsi Pernod-Ricard, dont le département des produits sans alcool ne cesse de croître puisqu'il représente, maintenant, quelque 33 % de son chiffre d'affaires, prend le contrôle d'une entreprise bretonne, les cidres Raison. Déjà présent sur ce marché avec Pampryl et les Cidreries et distilleries réunies, le roi des apéritifs anisés estime, après cette opération, détenir 23 % du marché français du cidre et 18 % du marché du jus de pomme. Voilà les laiteries Besnier qui, après les États-Unis, s'installent en Espagne, ce qui ne les empêche pas de disputer au groupe coopératif l'Union laitière normande les dépouilles des laiteries Préval, qui collectent un milliard de litres de lait par an. C'est aussi la Soparind, holding de l'important groupe laitier Bongrain, qui, avec la reprise de la société Thinon, d'Aix-les-Bains, entre dans le secteur des équipements thermiques et des machines d'emballage sous film... après être entrée, au fil des ans, dans la charcuterie-salaisonnerie, la confiserie-chocolaterie, la confiturerie où elle vient encore d'étendre ses intérêts.

C'est encore Bonduelle, classé dans le peloton de tête de la conserverie — 2 milliards de chiffre d'affaires dont la moitié à l'exportation — qui étend ses capacités de surgelés. Un marché en expansion, les surgelés. Il éveille les convoitises. La multinationale Unilever ne vient-elle pas, par l'entremise d'une filiale française, d'y prendre pied.

Le Japon et la boulangerie

Les grands meuniers, eux, se tournent vers le Japon. Voici les Grands Moulins de Paris — premier groupe meunier français — qui passent un contrat avec la première entreprise de boulangerie japonaise pour créer une chaîne de restauration rapide à l'enseigne Vie de France dans l'empire du Soleil-Levant. Et le deuxième groupe français, les Grands Moulins de Pantin, dans la foulée, signe avec une des plus importantes sociétés de commerce japonaises un contrat de fourniture de farine pour la production de baguettes, croissants, brioches à la française.

Quelques exemples, parmi d'autres, du dynamisme — voire de l'agressivité commerciale — des grands de l'agro-alimentaire. Et il y a aussi des moins grands, qui, à cet égard, n'ont rien à leur envier. La crise est dure. Certains savent la surmonter. Tous n'en ont pas les moyens.

Jacques Léger

Armement

Impasse européenne
L'alarme

Comme au cours des années précédentes, la France continue de faire bonne figure dans le monde de l'armement en 1983. Grâce à un marché international toujours porteur et à des matériels de haut niveau, l'industrie française de l'armement réalise 40 % de son chiffre d'affaires global (environ 85 milliards de F) à l'exportation, et conserve sa place de no 3 mondial des marchands d'armes. Compte tenu du volume de commandes étrangères enregistré en 1982 (une bonne quarantaine de milliards de F) la situation devrait rester satisfaisante dans les années qui viennent. Tout du moins au niveau de l'activité. Quelques indices inquiétants sont néanmoins venus tempérer, en 1983, l'optimisme des industriels français, à commencer par la chute (– 27 %) des commandes étrangères enregistrées au premier semestre.

Signes d'inquiétude

Le premier tient au renforcement de la rigueur budgétaire. Comme tous les agents économiques, l'armée est invitée à compter ses sous. Déjà, l'an passé, elle avait dû différer des commandes de matériel aéronautique. Or, la réduction et même la simple stagnation des crédits d'équipement militaire ont un triple impact sur l'industrie : une menace sur le niveau d'activité, une diminution de la trésorerie (par le biais d'une diminution des acomptes) et une mauvaise impression sur la clientèle étrangère, laquelle hésite à « commander français » quand la France ne donne pas l'exemple.