Cette politique courageuse, non dépourvue d'imagination parfois, entend « préserver les équilibres et rester, en toutes occasions, au service de la paix ». Elle n'est pas toujours bien comprise d'une opinion publique, sollicitée, il est vrai, par des problèmes domestiques plus urgents et qui est prête à juger maigre le bilan d'une action extérieure dont la cohérence ne lui paraît pas évidente.

Francophonie
Identités locales et langue française

Une politique de la langue française à l'étranger reste l'une des constantes de l'action culturelle extérieure de la France. Le français est la première langue de 80 à 90 millions d'hommes, la langue véhiculaire ou potentielle de 100 à 150 millions d'autres et une seconde langue largement enseignée. La francophonie — terme qui apparaît dans les années 60 — se mesure à des critères variés que sont, dans chaque État, le statut officiel du français, sa place dans les systèmes éducatifs, son rôle de langue véhiculaire, la vente des livres français, le volume d'émissions de radio-télévision, le nombre de journaux de langue française. La politique de la francophonie a ainsi pour objectif de renforcer la solidarité et la coopération de tous les pays qui utilisent le français. Le service des affaires francophones, qui relève de la Direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques du ministère des Relations extérieures, est chargé d'élaborer cette politique spécifique de coopération (décret du 27 juillet 1982). Les moyens consacrés à celle-ci sont, en 1983, de 39 389 038 F (en augmentation de 2,8 millions par rapport à 1982).

À côté de l'Agence de coopération culturelle et technique, l'organisation internationale gouvernementale de la francophonie, et du Haut Comité de la langue française (organisme public) récemment remanié, plusieurs institutions privées œuvrent au développement de la langue et de la culture françaises. La plus connue est l'Alliance française, qui fête son centenaire en 1983. À travers le monde, plus de 1 250 de ses comités organisent des conférences, entretiennent des bibliothèques et développent des activités d'enseignement (600 centres) qui touchent près de 300 000 élèves (l'école de Paris en reçoit quotidiennement 6 000).

L'orientation désormais donnée à la politique de francophonie prend davantage en considération les revendications des identités culturelles locales : les rapports entre le français et les langues nationales (en Afrique notamment) ne doivent plus être regardés en termes d'opposition, mais en termes de complémentarité fonctionnelle. Pour les promoteurs de la francophonie, l'avenir de la langue française dans le monde et surtout dans les pays autrefois colonisés ne peut être que solidaire du destin des peuples et promoteur de développement. Si le français continue à apparaître comme la voie d'accès à un savoir, une modernité, ou un progrès économique et politique, la francophonie, malgré des moyens faibles et encore trop dispersés, peut rester une composante importante de l'influence de la France dans le monde.

Philippe Rondot

La France dans le monde
À la recherche de l'équilibre

La politique française de coopération a toujours eu du mal à trouver son équilibre. La démission de son ministre, Jean-Pierre Col, à la fin de 1982, témoigne de ce malaise persistant dû, notamment, aux caractéristiques du système français : un certain enchevêtrement des responsabilités, puisque plusieurs ministères prennent une part aux activités de coopération. Pour Jean-Pierre Cot, il convenait de gérer les apparentes contradictions entre non-ingérence, accords de sécurité et action pour les droits de l'homme, entre respect des options de développement de chaque pays partenaire et choix en faveur du développement autocentré. En s'engageant à atteindre l'objectif de 0,7 % du PNB consacré à l'aide au développement d'ici 1988, la France, par devoir mais aussi par intérêt bien compris, entend poursuivre dans une voie difficile, alors que l'effort de la plupart des pays industriels stagne ou s'affaisse. Cette revalorisation de la coopération entrait dans le grand dessein du président Mitterrand, proclamé à Cancun, de fixer les axes de relations Nord-Sud exemplaires. Mais des difficultés économiques croissantes en 1983 sont venues tempérer ces bonnes intentions, alors que le « retour au réalisme » imposait, parfois, des choix délicats en. Afrique. Avec plus de 16 000 coopérants techniques, dont plus des deux tiers sont des enseignants, la France poursuit néanmoins un effort qui n'est pas limité aux seuls États francophones. Pour tenir compte de l'évolution de l'état du monde, les responsables de la coopération recherchent un redéploiement géographique moins traditionnel, une coopération plus équilibrée (ne pas faire que de l'enseignement) et encouragent les entreprises françaises à développer leurs activités à l'étranger.