La planification telle qu'elle avait prévalu jusqu'au sixième Plan a vécu. En période d'expansion économique, la seule vraie question était de définir les secteurs qui bénéficieraient le plus de la croissance. En période de stagnation, la démarche vise à définir à moyen terme une stratégie d'adaptation aux nouvelles données économiques internationales, en tenant compte de la rareté croissante des ressources.

Deux lois de Plan concrétisent cette orientation. La première, promulguée le 13 juillet, fixe les grands choix stratégiques et sélectionne les priorités pour les cinq années d'exécution du neuvième Plan (1984-1988). La seconde les concrétise en traçant les voies à suivre et les moyens à mettre en œuvre. Cet ensemble s'articule sur la question : comment restructurer l'appareil productif français en misant sur les secteurs d'avenir ? D'où une démarche ambivalente : d'un côté, le gouvernement détermine les priorités ; de l'autre, il se promet d'être intraitable vis-à-vis des « non-priorités », selon l'expression du secrétaire d'État chargé de la Planification, Jean Le Garrec. C'est pourquoi la seconde loi dote les pouvoirs publics d'un arsenal stratégique et tactique. Les armes stratégiques sont les douze programmes prioritaires d'exécution, les « PPE ». L'armement tactique est formé par les contrats de Plan que le gouvernement négocie avec les collectivités et les grandes entreprises.

Les douze programmes prioritaires d'exécution (PPE) bénéficieront en cinq ans d'une enveloppe budgétaire de 350,5 milliards de F constants, dont 59,4 milliards inscrits dans le budget pour 1984. Ils se proposent de :
1. Moderniser l'industrie grâce aux nouvelles technologies et à un effort d'épargne. L'État s'engage à apporter son concours au développement d'une offre compétitive de biens d'équipement, et notamment de la « filière électronique ».
Ce PPE a pour objectif de former, en cinq ans, 362 000 salariés à la « productique », ce qui se traduira par une multiplication par neuf du nombre des personnes dotées de cette qualification nouvelle chaque année. Il prévoit aussi la multiplication par 3,5 du nombre de robots construits en France.
Crédits prévus : 3,2 milliards de F pour le budget 1984 et 19,9 milliards dans la durée du Plan.
2. Poursuivre la rénovation du système d'éducation et de formation des jeunes. L'objet de ce PPE est de doter tous les jeunes d'une qualification leur permettant de s'insérer professionnellement. Deux directions essentielles, d'abord une rénovation du système éducatif, puis une meilleure articulation des réformes structurelles du système éducatif, avec des programmes spécifiques de qualification et d'insertion professionnelles.
Crédits prévus : 16,6 milliards de F dans le budget 1984 et 91,5 milliards pour 1984 à 1988.
3. Favoriser la recherche et l'innovation. C'est l'un des pivots du neuvième Plan dans la mesure où il s'agit d'adapter les entreprises françaises à la concurrence internationale. Dès 1985, la part de la recherche dans le PIB devrait être portée à 2,5 % et la proportion des activités de recherche financées par les entreprises devrait passer à 45 % du total des dépenses consacrées à la recherche en 1985.
Crédits prévus : 10,6 milliards de F dans le budget 1984 et 91,5 milliards pour la durée du Plan.
4. Développer les industries de communication. Il s'agit d'éviter que l'ouverture à la communication audiovisuelle ne se traduise par une conquête culturelle du marché intérieur par les pays anglo-saxons.
La création d'un fonds de soutien à la production audiovisuelle est donc prévue, de même que l'aide à l'installation de sociétés locales d'exploitation des réseaux câblés (objectif : 80 sociétés en 1988) et, plus largement, l'extension des possibilités locales et régionales d'expression télévisuelle.
Crédits prévus : 3,6 milliards de F dans le budget 1984 et 21,2 milliards de 1984 à 1988.
5. Réduire la dépendance énergétique. L'objectif est, en effet, d'arriver à un « taux » d'indépendance énergétique de 50 % en 1990, contre 35 % en 1982. Pour l'essentiel, ce programme vise plus à développer les économies qu'à augmenter la production.
Crédits prévus : 2,8 milliards de F dans le budget 1984 et 15,5 milliards pour la durée du Plan.
6. Agir pour l'emploi. Deux objectifs : parvenir à une réduction et à un aménagement du temps de travail (objectif : 300 000 emplois grâce aux contrats de solidarité sur la réduction du temps de travail) et moderniser le service public de l'emploi, c'est-à-dire améliorer la gestion des demandeurs d'emploi en informatisant les fichiers.
Crédits prévus : 5,5 milliards de F dans le budget 1984 et 36,3 milliards de 1984 à 1988.
7. Mieux vendre en France et à l'étranger. Plusieurs actions précises sont programmées, notamment l'instauration du dialogue entre producteurs, distributeurs et utilisateurs par le développement de contrats pour l'amélioration de la qualité. Les projets d'accroissement des exportations visent en particulier les PME.
Crédits prévus : 4,7 milliards de F dans le budget 1984 et 27,7 milliards pour la durée du Plan.
8. Assurer un environnement favorable à la famille et à la natalité. À la suite de la démarche des organisations familiales, il a été décidé d'accorder une priorité à la politique familiale. Toutefois, il s'agit essentiellement de mieux utiliser les aides actuelles à la famille plutôt que d'en créer d'autres.
Crédits prévus : 0,2 milliard de F dans le budget 1984 et 1,3 milliard pour la durée du Plan.
9. Réussir la décentralisation. Ce PPE vise à adapter les ressources des collectivités locales aux exigences de la décentralisation par une refonte de la fiscalité locale, une simplification des divers concours de l'État et une mise à disposition de ressources d'emprunts complémentaires. Mais il tend aussi à éviter les excès que pourrait entraîner la décentralisation.
Crédits prévus : 3,3 milliards de F dans le budget 1984 et 21 milliards pour la durée du Plan.
10. Mieux vivre dans la ville. Ce PPE vise essentiellement à réhabiliter le logement, notamment pour les foyers modestes, et à améliorer les transports urbains. Ainsi, 700 000 logements HLM devraient être réhabilités, tandis que 500 000 familles seront concernées par des interventions d'ensemble en faveur des quartiers les plus dégradés.
Crédits prévus : 2,6 milliards de F dans le budget 1984 et 15,1 milliards pour la durée du Plan.
11. Moderniser et mieux gérer le système de santé. Ce PPE est aussi au centre du dispositif de planification. Pour les pouvoirs publics, il est impératif d'arriver rapidement à un contrôle des dépenses de santé afin que le système de soins s'autofinance. Le Plan prévoit donc une rénovation importante de l'équipement des hôpitaux, qu'il s'agisse de leur informatisation, de la fermeture ou de la modernisation d'équipements. Ainsi, 24 000 lits d'hospice et 28 000 lits de psychiatrie seront « reconvertis », alors que, au total, 28 000 lits seront supprimés.
Dans le même temps, les soins à domicile sont encouragés, notamment pour des thérapeutiques qui exigeaient jusqu'alors des moyens techniques raffinés.
Crédits prévus : 5,1 milliards de F dans le budget 1984 et 28,7 milliards pour la durée du Plan.
12. Améliorer la justice et la sécurité. C'est l'un des rares programmes prioritaires déconnecté des objectifs économiques du Plan. Il vise essentiellement la petite délinquance par la prévention, le recours aux peines alternatives à l'incarcération, et la rénovation des services publics. Une série d'actions sont également prévues pour réduire d'un tiers le nombre des accidents mortels de la circulation.
Crédits prévus : 1,3 milliard de F dans le budget 1984 et 8,1 milliards pour la durée du Plan.
L'armement tactique vise à donner vie à la majorité de ces programmes sur le terrain. Il a deux grandes composantes : En premier lieu, les contrats de Plan État-entreprises sont destinés à assurer la cohérence entre les stratégies des entreprises et les orientations définies par les pouvoirs publics. Douze précontrats conclus avec des entreprises en 1983 seront soumis à révision en 1984 pour tenir compte des engagements définitifs du Plan.