La liquidation du Toudeh met fin à l'alliance contre nature qui s'était établie, sous l'impulsion de Noureddine Kianouri, entre le PC et les religieux progressistes proches de l'imam. N. Kianouri, qui porte une lourde responsabilité dans la déconfiture de son parti, estimait qu'une longue période de collaboration entre les communistes et le régime islamique était possible. Cependant, les responsables du Toudeh, dont les activités étaient tolérées par l'imam Khomeiny, étaient devenus, depuis quelque temps déjà, des alliés encombrants du régime islamique. Ils dénonçaient les objectifs du clergé au pouvoir, préconisant une révolution sociale radicale et une politique « anti-impérialiste » plus conséquente, impliquant le resserrement des liens avec Moscou.

Le Toudeh s'était d'autre part attiré l'hostilité de l'imam Khomeiny en l'invitant « respectueusement », à plusieurs reprises, à mettre fin à la guerre avec l'Iraq, condamnée par les Soviétiques, qui estimaient qu'elle faisait le jeu de « l'impérialisme américain ». Cette « ingérence » dans une affaire relevant du domaine réservé de l'imam a été probablement la goutte d'eau qui a fait déborder la coupe et incité le Guide de la révolution à donner le feu vert pour la mise hors la loi du PC.

Les spectaculaires « aveux télévisés » de Noureddine Kianouri et de ses compagnons, organisés le 30 avril par les autorités de Téhéran et au cours desquels les dirigeants du Toudeh ont affirmé n'être que de simples espions à la « solde de Moscou » sont suivis quelques jours plus tard par l'expulsion de près de la moitié du personnel de l'ambassade soviétique.

Principal obstacle à cette nouvelle politique dont le but est apparemment de normaliser le régime islamique pour le rendre acceptable à l'Occident : la poursuite de la guerre avec l'Iraq. Téhéran s'oppose toujours à tout règlement négocié, en faisant de la « punition de l'agresseur » la pierre angulaire de ses conditions de paix. Ne pouvant remporter la bataille sur le terrain, les Iraniens ont adopté la coûteuse tactique de la guerre d'usure quasi permanente, dont l'objectif semble être de faire tomber le régime du président Saddam Hussein sous les coups de boutoir répétés de l'armée iranienne.

Menaces

Cette stratégie est cependant à double tranchant. Le prolongement des hostilités se révèle tout aussi désastreux pour l'économie iraqienne que pour le régime de Téhéran. Une autre conséquence de la poursuite de la guerre est la constante détérioration des relations avec la France. Fin juillet, la décision de Paris de « prêter » à l'Iraq cinq Super-Étendard, équipés des redoutables missiles Exocet, est interprétée à Téhéran comme une déclaration de guerre au régime islamique et accroît l'exaspération des responsables iraniens.

Les attentats contre l'ambassade de France à Téhéran et les manifestations antifrançaises s'intensifient, en signe d'avertissement. Le 30 septembre, le ministre des Affaires étrangères iranien, A. A. Velayati affirme devant l'Assemblée générale des Nations unies que l'« Iran ne tolérera plus le passage, par le détroit d'Ormuz, de bateaux chargés de munitions et d'armements pour le régime iraqien » et que « toute entreprise menaçant les intérêts vitaux de l'Iran provoquera la fermeture immédiate du détroit d'Ormuz et l'arrêt des exportations de pétrole de la région ».

Ces menaces expliquent en grande partie l'extrême discrétion que Paris et Bagdad observent sur les conditions de la livraison des Super-Étendard et les propos contradictoires tenus en octobre par les responsables français et iraqien à ce sujet. Le président du Parlement, qui passe pour l'une des personnalités les plus importantes du pouvoir, et qui est le représentant personnel de l'imam Khomeiny au conseil supérieur de défense, estime que « l'Iran a les moyens de bloquer le détroit d'Ormuz, même si cela doit conduire au déclenchement de la Troisième Guerre mondiale ». Les attentats dont sont victimes, entre autres, des dizaines de militaires français au Liban (octobre) et les représailles auxquelles se livre l'aviation française (pilonnage de QG chiites pro-iraniens en novembre) font encore monter la tension.

Pollution pétrolière

Bombardés par l'aviation iraqienne, des puits pétroliers iraniens de Nowruz et peut-être aussi d'Ardeshir sont en éruption depuis le début de février. Le pétrole s'écoule dans le golfe Persique. Mais, étant donné l'attitude des deux belligérants — lesquels ne sont pas menacés directement par la marée noire —, on ne sait rien de précis : ni la date exacte du début des déversements, ni le nombre de puits endommagés, ni le débit estimé des écoulements. Le célèbre « pompier volant » Red Adair a pu s'approcher des champs en éruption, au début d'août. Pour lui, il s'agit d'une catastrophe majeure qui touche déjà les côtes d'Arabie Saoudite, du Koweït et des Émirats arabes unis. Les constructeurs des usines de dessalement d'eau de mer — installations les plus sensibles aux marées noires — sont moins pessimistes. En août, aucune nappe de pétrole n'avait été signalée près des usines. On a noté seulement, depuis le début des éruptions, des boules peu nombreuses, faites de fractions lourdes de pétrole, grosses comme des balles de ping-pong, qui flottent entre deux eaux. Des filets à mailles fines, tendus autour des prises d'eau, suffisent pour empêcher qu'elles ne soient aspirées vers les usines de dessalement. Elles ne suffisent pas à faire comprendre ce que devient le pétrole déversé dans le golfe Persique. Selon les estimations les plus couramment admises, mais nécessairement très imprécises, le débit des déversements aurait été, en août, de l'ordre de 1 500 t par jour, dont 45 % — les parties les plus légères — se vaporisent dans les premières 24 heures passées sur cette mer chaude.