Dans sa hâte d'aboutir, et bien que rien ne laisse prévoir que les États-Unis le soutiendraient ou qu'Israël changerait d'attitude, il fait au roi Hussein de Jordanie, durant des entretiens à Amman, des concessions verbales qui, même sans portée pratique, paraissent excessives aux membres du comité exécutif de l'OLP, y compris les plus modérés. Le coup d'arrêt qui est alors donné à la stratégie de négociation choisie par Yasser Arafat précipite la crise de la résistance palestinienne, dont la direction politique est contestée et critiquée depuis la tragédie de Beyrouth. Pour la première fois dans l'histoire de l'OLP, une dissidence se produit dans ses rangs, protégée et bientôt encouragée par la Syrie. Les assauts donnés en octobre et novembre par les dissidents et l'armée de Damas au réduit loyaliste du Fath (Nahr el-Bared-Badaoui-Tripoli) acculent Y. Arafat dans ses derniers retranchements.

Le monde arabe divisé

On peut croire, quelque temps, que l'ensemble du camp arabe, tirant la leçon des événements de l'été 1982, va opter pour une certaine cohésion. Il se retrouve presque unanime autour de la déclaration de Fès et soutient les démarches entreprises en vue d'une négociation internationale sur la question palestinienne. L'Égypte elle-même, mise à l'écart par sa paix séparée avec Israël, évolue prudemment sous la direction du président Moubarak et se rapproche discrètement des autres pays arabes. Mais les dissensions reprennent bientôt le dessus et les menaces extérieures en deviennent d'autant plus graves.

Toutes les tentatives en vue d'un règlement du problème du Sahara échouent et la division des pays du Maghreb persiste, la Libye amorçant un rapprochement avec le Maroc et la Tunisie, l'Algérie continuant de soutenir le Front Polisario en dépit des espoirs suscités par une rencontre entre Chadli Bendjedid et Hassan II.

L'aggravation et le coût croissant de la guerre du Golfe conduisent les monarchies arabes à s'interroger sur leur soutien indéfini au président iraqien Saddam Hussein, d'autant que le régime iranien prend un cours nouveau, restaurant l'ordre public et l'activité économique, réprimant impitoyablement le parti Toudeh (communiste) et dénonçant âprement les entreprises de l'Union soviétique. Un retournement s'esquisse, laissant supputer la normalisation des rapports entre l'Iran et la plupart des pays occidentaux — mais non la France qui soutient activement l'Iraq —, tandis que l'URSS accroît régulièrement et massivement son aide à Bagdad.

Syrie : le nouveau leader

Contrastant avec nombre de pays arabes affaiblis et hésitants, la Syrie, seul État à courir directement le risque d'un nouveau conflit avec Israël, fait choix d'une politique et s'y tient. Elle reconstitue ses forces armées grâce à son alliance avec l'Union soviétique, elle laisse installer sur son territoire des missiles sol-air Sam-5 qui assurent sa protection aérienne et consent à la présence de 4 000 ou 5 000 conseillers militaires russes sur son territoire. Au point qu'il est beaucoup question, au début du printemps, d'une action militaire préventive d'Israël, surtout pour empêcher le déploiement des Sam-5. Mais la Syrie, poursuivant le renforcement de ses capacités d'actions politiques et militaires, exploite la dissidence survenue dans les rangs de l'OLP, interdit son territoire à Yasser Arafat et tente manifestement d'inclure la résistance palestinienne dans son propre jeu.

Enfin la politique du président libanais Amine Gemayel — alliance exclusive avec les États-Unis et entente avec Israël — suscite au Liban de fortes résistances que la Syrie aide et dont elle peut tirer parti. L'opposition libanaise, en effet, ne tarde pas à regrouper les communautés chiite et druze, des sunnites du Nord-Liban qui se réclament de l'ancien président du Conseil Rachid Karamé, des éléments chrétiens proches de l'ancien président Frangié, et divers groupes de gauche et d'extrême gauche. C'est cette coalition qui reçoit l'aide décisive de la Syrie quand une nouvelle épreuve de force se produit.

Le champ de bataille libanais

La crise provient de la décision d'Israël de retirer ses troupes de la région du Chouf jusqu'à la rivière Awali : l'activité grandissante de la résistance libanaise faisait, en effet, subir des pertes à l'armée israélienne que ni le gouvernement ni l'opinion publique en Israël ne voulaient accepter. Mais on savait que la population druze des régions évacuées était en majorité hostile au gouvernement de Beyrouth. L'opposition libanaise comptait en profiter pour provoquer un infléchissement de la politique du gouvernement libanais ou pour changer le gouvernement lui-même. Au contraire, les États-Unis entendaient élargir et renforcer l'autorité du président Gemayel et de son régime. L'épreuve de force qui s'ensuit révèle que, sans l'appui d'Israël qui, cette fois, reste à l'écart du conflit, les États-Unis ne disposent pas d'allié suffisamment puissant. L'armée du président Gemayel et les phalangistes, même soutenus de temps à autre par l'aviation embarquée et l'artillerie navale américaines, ne peuvent l'emporter contre l'opposition libanaise assurée du soutien matériel de la Syrie.