Fils de paysans de Biélorussie, il doit son nom à son village natal, Gromyki, et sa réussite professionnelle à son aptitude à exécuter fidèlement toutes les politiques — guerre froide ou détente — en les justifiant remarquablement. Cela grâce à une compétence technique hors pair, une mémoire d'éléphant, un flegme à toute épreuve, mais aussi, mais surtout, grâce à une capacité à gommer toute idée personnelle, tout en manifestant une discrétion confinant à l'effacement.

Aux Nations unies, on ne le connaît plus que sous le surnom de M. Niet, à cause des multiples vetos qu'il émet. En 1957, c'est la consécration : il est ministre des Affaires étrangères. Vingt-six ans après, il est toujours là.

L'appui à la Syrie

La politique extérieure de l'URSS en 1983 se caractérise encore par la poursuite de la normalisation des rapports avec Pékin et par la volonté marquée de retrouver une place importante sur l'échiquier proche-oriental, qui demeure pourtant très agité.

Dans le premier cas, on continue d'avancer à très petits pas. Ce qui permet à Y. Andropov de faire état de « tendances positives », illustrées en mars et en octobre par la poursuite, à Pékin, de négociations amorcées en octobre 1982 à Moscou. « Nous avons un très, très long tunnel à traverser, mais loin, tout au bout, nous voyons poindre une petite lumière », note Mikhail Kapitsa, vice-ministre des Affaires étrangères. En fait, le contentieux demeure : Moscou consent à discuter de la présence de l'Armée rouge à la frontière chinoise, mais se refuse à aborder les questions cambodgienne et afghane, qui relèvent, selon elle, de la seule souveraineté de ces pays.

Dans le second cas, le Proche-Orient, l'URSS n'entend plus — comme le souligne A. Gromyko en juin devant le Soviet suprême — demeurer un « observateur passif ». De fait, elle apporte un soutien logistique de plus en plus important à la Syrie (missile SAM-5 et conseillers techniques) mais, face à la crise de l'OLP, elle opte pour une prudente réserve, jugeant seulement « inadmissibles » les querelles intestines des Palestiniens. Avec l'Égypte, une timide amélioration des relations est tentée. Mais, en réalité, Moscou essuie plus d'échecs que de victoires : rupture avec l'Iran, léger froid avec l'Iraq. Le seul allié indéfectible, dont l'URSS peut se targuer au Moyen-Orient, est le semi-désertique Yémen du Sud.

Michel Lemarchand