L'ancrage à l'Ouest reste la donnée prioritaire d'une politique extérieure qui n'exclut pas la volonté de maintenir des rapports raisonnables avec Moscou et Berlin-Est. Dans le cadre de la politique occidentale, une importance particulière continue à être accordée aux relations franco-allemandes. Les manifestations à Bonn et à Paris lors du 20e anniversaire de la signature du traité de coopération franco-allemand (21 janvier 1963), les deux rencontres au sommet Mitterrand-Kohl (en mai à Paris et en novembre à Bonn), ainsi que la rencontre informelle dans les Vosges, en juillet, entre les deux hommes d'État, témoignent de l'intensité des échanges.

Dans un discours très remarqué, prononcé le 20 janvier 1983 au Bundestag, le président François Mitterrand adjure l'Allemagne fédérale de respecter l'esprit de la double décision de l'OTAN et le principe crucial de l'équilibre des forces en Europe. La convergence des points de vue des deux gouvernements sur cette question n'empêche pas des affrontements assez vifs lors de la fixation des nouvelles parités au sein du SME ; le 21 mars à Bruxelles, le mark est réévalué de 5,5 % et le franc français dévalué de 2,5 %, d'autres monnaies sont également touchées par ce réajustement. Un mark vaut désormais trois francs. La fixation des prix agricoles européens pour la campagne 1983-1984 n'est pas moins laborieuse.

L'Europe tient une place de choix dans les préoccupations du gouvernement fédéral, car la République fédérale assume la présidence de la CEE au cours du premier semestre 1983, avant de la passer à la Grèce. Les résultats ne sont sans doute pas à la hauteur de l'attente du gouvernement de Bonn, mais il faut au moins lui reconnaître le mérite d'avoir posé clairement les véritables problèmes de la Communauté européenne, dans le cadre d'un échéancier qui devrait aboutir à d'éventuelles solutions au sommet d'Athènes, en décembre : le sommet de Stuttgart, du 17 au 19 juin, adopte une déclaration solennelle sur l'union européenne ; il engage surtout une négociation exceptionnelle pour essayer de résoudre les difficultés budgétaires. La contribution britannique et l'élargissement de la CEE à l'Espagne et au Portugal font également partie du programme de Stuttgart.

Euromissiles et pacifisme

Moins vives que sous Helmut Schmidt, des tensions se manifestent encore dans les relations germano-américaines, qu'il s'agisse des négociations sur les euromissiles ou de la montée des taux d'intérêt et des fluctuations du cours du dollar. Un dollar valait 4,20 mark, en septembre 1949. Il tombait à 1,71 le 3 janvier 1980, avant de remonter depuis, au point d'atteindre 2,73 mark en août 1983. Sans laisser planer aucun doute sur sa fermeté dans l'affaire des euromissiles, Helmut Kohl essaie de modérer les réactions du président Reagan à l'égard de Moscou, lors de sa visite de travail à Washington les 14 et 15 avril. Il défend aussi le commerce avec l'Est en période de crise économique. Ces thèmes sont repris au sommet des pays industrialisés à Williamsburg (Virginie), du 28 au 30 mai.

Après les réunions imposantes de 1981 et de 1982, la contestation pacifiste franchit de nouveaux sommets en 1983, avec les marches pascales, le congrès de quelque 100 000 protestants à Hanovre en juin, les tentatives de blocage de certaines casernes le 1er septembre, la grande semaine de manifestations de masse sur l'ensemble du territoire fédéral du 16 au 23 octobre, suivie de nombreuses autres formes de protestation. Nourri en partie d'un antiaméricanisme virulent, ce pacifisme, aux motivations très diverses, converge dans le rejet des armes nucléaires et, surtout, dans le refus de l'implantation des nouvelles fusées américaines Pershing.

Malgré les manifestations de rue en Allemagne et les énormes pressions soviétiques, Helmut Kohl reste fermement sur ses positions lors de son voyage en Union soviétique du 4 au 7 juillet. Refusant de jouer les intermédiaires entre l'URSS et les Occidentaux, n'hésitant pas à poser le problème de l'unité allemande, plaidant pour les dissidents comme pour les citoyens soviétiques d'origine allemande candidats à l'émigration, Helmut Kohl rapporte l'impression qu'Andropov veut rencontrer Reagan, qu'un compromis est encore possible aux négociations de Genève sur les fusées intermédiaires, et que les relations interallemandes souffriraient d'un échec de ces négociations.

RFA - RDA

Les relations entre les deux États allemands connaissent le chaud et le froid. La mort suspecte, en avril, de deux ressortissants de RFA lors de contrôles frontaliers par les autorités de RDA suscite des polémiques dont Erich Honecker, l'homme fort de RDA, tire prétexte pour annuler son projet de voyage en Allemagne fédérale. La coopération retrouve cependant ses droits, avec l'octroi d'un crédit d'un milliard de marks par un consortium bancaire que dirige la Banque régionale de Bavière. Le plus surprenant est que Franz Josef Strauss, réputé pour son anticommunisme et sa dureté à l'égard de la RDA, a joué un rôle important dans cette affaire. Il effectue ensuite une visite privée spectaculaire en RDA, où il est reçu par Erich Honecker. Malgré la crise des euromissiles, jamais les contacts entre les responsables des deux Allemagnes n'ont été aussi nombreux ; il est vrai que le 500e anniversaire de la naissance de Martin Luther favorise les occasions de rencontre.