Ce langage de vérité et de confiance porte ses fruits. Avec un taux de participation très élevé (89,1 %), les électeurs donnent une confortable majorité (55,8 %) à la coalition sortante. Recueillant 48,8 % des voix, Helmut Kohl dépasse les résultats très honorables qu'il avait enregistrés en 1976 (48,6 %) lorsqu'il conduisit pour la première fois la campagne électorale de la CDU-CSU au niveau fédéral. Il s'approche ainsi du record historique de Konrad Adenauer en 1957 (50,2 %). Helmut Kohl ne souhaite cependant pas la majorité absolue. Elle le rendrait trop dépendant de son rival Franz Josef Strauss (président de la CSU, branche bavaroise de la démocratie chrétienne, et chef du gouvernement régional à Munich) et compromettrait sa politique de coopération avec les libéraux dans les Länder (régions).

En dépassant finalement la barre des 5 % nécessaires pour être représentés au Bundestag, les libéraux de Hans Dietrich Genscher, ministre des Affaires étrangères, assurent leur survie parlementaire avec 7 % des voix, malgré un fort recul par rapport à 1980. En dépit des nombreuses querelles intérieures dont il a été victime depuis quelques mois en abandonnant les sociaux-démocrates pour s'allier aux chrétiens-démocrates, le FDP se voit confirmé dans sa nouvelle orientation politique. Bien antérieures à 1982, les dissensions publiques entre le FDP et la CSU de Franz Josef Strauss ne cessent pas pour autant. Elles alimentent ce que la presse appelle « le théâtre de l'été 1983 ».

Helmut Kohl
La force tranquille

Amateur de bonne cuisine et de grandes promenades, travaillant volontiers sur fond musical, le sixième chancelier de l'Allemagne fédérale ne passe pas inaperçu. Avec 1,93 m et quelque 105 kg, ce géant jovial incarne une sorte de force tranquille. Malgré une réputation d'homme faible, « le petit-fils d'Adenauer » — comme il aime lui-même s'appeler — a remarquablement imposé sa stratégie politique, qui fait maintenant de lui l'homme fort de son pays, sinon de l'Europe occidentale.

Né à Ludwigshafen le 3 avril 1930, dans une famille très catholique, il perd pendant la guerre son père et son frère. Il fréquente après 1945 le lycée de sa ville natale, puis il étudie l'histoire, le droit et les sciences politiques aux universités de Heidelberg et de Francfort. Pour financer ses études, il travaille comme tailleur de pierre. Il passe en 1958 une thèse de doctorat sur la renaissance des partis dans le Palatinat après 1945. Assistant du propriétaire d'une entreprise de fonte, il devient chargé de mission dans l'organisation patronale de l'industrie chimique à Ludwigshafen.

Helmut Kohl se fait remarquer par son engagement précoce dans la vie politique et par un cumul impressionnant de fonctions, qui, de la commune à la région, le pousse au plus haut niveau, au point d'être partout le plus jeune. Cofondateur de l'organisation des jeunes démocrates-chrétiens à Ludwigshafen en 1947, il entre, en 1959, au parlement régional de Rhénanie-Palatinat, dont il préside le groupe CDU en 1963, pour être finalement élu, en 1969, chef du gouvernement régional de ce Land, où il se fait une réputation de gestionnaire réformiste.

Membre des organes directeurs de la CDU au niveau fédéral, il se présente en vain, en 1971, à la présidence contre Rainer Barzel, mais, quand celui-ci démissionne en 1973, Helmut Kohl est porté à la tête du parti par une forte majorité gagnée à son programme centriste modéré. Il a toujours été réélu depuis, avec de confortables majorités. En dix ans, la CDU a plus que doublé le nombre de ses adhérents et totalement redéfini les bases de son programme.

Aux élections fédérales de 1976, le candidat chancelier Helmut Kohl fait frôler la majorité absolue à la CDU-CSU, mais les quelques sièges qui manquent l'obligent à rester dans l'opposition. Son adversaire bavarois, Franz Josef Strauss (CSU) en profite pour se faire nommer candidat à la chancellerie en 1980. La CDU-CSU subit une nette défaite qui permet à Helmut Kohl de s'imposer une nouvelle fois. Après la rupture de la coalition entre libéraux (FDP) et sociaux-démocrates (SPD) du chancelier Schmidt, le 17 septembre 1982, les libéraux, avec qui il a toujours conservé de bons rapports, se rallient à lui et contribuent à le faire élire chancelier le 1er octobre 1982. Les élections fédérales anticipées du 6 mars 1983 confirment ce choix, qui ouvre une nouvelle phase dans l'histoire politique de l'Allemagne.