Faute d'une réforme économique sérieuse, le monde communiste risque donc de rester encore longtemps l'espèce de trou noir du développement qu'il constitue, entre une ceinture pacifique en plein essor et un Occident qui — pour fatigué qu'il soit — reste aux avant-postes de la civilisation industrielle et de l'innovation technologique.

Le « grand chambardement »

De ce côté, l'année 1983 aura peut-être apporté la lueur au bout du tunnel de la récession et du sous-emploi. La reprise, confirmée au fil des mois, aux États-Unis trouve un écho en Grande-Bretagne, où les remèdes de cheval imposés depuis quatre ans par Mme Thatcher commencent à produire un effet, et jusqu'au Mexique, qui, sous l'effet d'une activité renaissante au-delà de sa frontière nord, commence à sortir, non sans douleur, de ses graves difficultés financières.

Il est vrai que la chute des prix du pétrole est vite compensée, pour ne pas dire annulée, par la hausse vertigineuse du cours du dollar : 6,60 F en janvier à Paris ; 8,23 F en août. L'envolée du billet vert n'est due que pour partie au haut niveau des taux d'intérêt aux États-Unis, comme on l'assure parfois en Europe. Elle résulte surtout de sa formidable valeur de refuge, à l'abri de la forteresse capitaliste que veut être l'Amérique de Reagan, face aux turbulences de la planète. C'est un nouveau coup dur pour les pays à monnaie faible, comme la France — qui doit dévaluer pour la troisième fois en deux ans — mais aussi pour tous les pays du tiers monde, dont la dette cumulée atteint la somme record de 700 milliards de dollars. Dans un pays comme le Brésil, qui vient en tête du lot avec une dette de 90 milliards, le FMI en vient à faire figure d'ennemi numéro un à cause des conditions draconiennes qu'il impose à l'octroi de nouveaux prêts.

À ces problèmes comme à bien d'autres, 1983 n'aura donc guère apporté de solutions. Les quelques éléments positifs restent à confirmer. C'est notamment le cas pour l'accord enfin conclu à Madrid par la conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, après trois ans de discussions. Reconnaissons néanmoins à cette année le mérite de n'avoir pas créé de nouveaux problèmes et d'avoir contenu les conflits engendrés par les anciens. Ce ne serait déjà pas si mince, surtout si 1984 devait être, si l'on en croit les prédictions de George Orwell, l'année du « grand chambardement ».

Michel Tatu