Prenons l'exemple des télécommunications. Certes, notre pays a rattrapé son retard en matière de téléphone. Avec la famille Blaise de Carhaix (Finistère), les PTT ont fêté cette année leur vingt millionième abonné. La France est même aujourd'hui le pays le plus avancé du monde quant au parc de terminaux télématiques installés. Le service de l'Annuaire électronique inauguré en 1983 en Ille-et-Vilaine fait des envieux. Alors que s'achève l'Année mondiale des communications, le bilan est donc positif. Pourtant, tout ne fait que commencer. Si l'installation des petits terminaux annuaires se fait à un rythme soutenu, n'oublions pas qu'elle est gratuite. Si ces Minitel étaient payants, qui se porterait volontaire ? Les chefs d'entreprises pour équiper leur personnel d'un terminal fiable et bon marché (loué 70 F par mois par les PTT), mais certainement pas M. Tout-le-Monde. À quoi pourrait-il d'ailleurs lui servir tant qu'il ne peut appeler que le fichier des abonnés au téléphone qui existe déjà sous forme papier ? Il faudra encore attendre quelques années pour que des millions de Français pianotent sur des Minitel.

Nouveaux problèmes

Dans le monde du travail, les innovations semblent par contre se développer plus rapidement. Productivité oblige. Machines automatiques, terminaux, systèmes de traitement de textes font déjà partie du paysage quotidien de milliers de Français. Ces nouvelles machines modifient souvent le contenu du travail : l'ouvrier devient surveillant d'automatismes ; la secrétaire utilise des lettres types archivées dans une mémoire informatique, au lieu de taper maintes fois les mêmes textes ; le gérant d'un magasin contrôle tous les soirs sur un écran l'état de ses stocks ; des chimistes utilisent des bactéries pour produire de nouveaux médicaments ; des agriculteurs font appel aux micro-organismes pour remplacer les engrais traditionnels ; etc.

Le travail devient-il pour autant plus facile ? Pas toujours. Malgré la suppression de certaines tâches pénibles, l'amélioration de l'ergonomie des matériels et une meilleure communication dans les entreprises, beaucoup reste à faire. Le bureau ou l'usine du futur sont encore des exceptions. Le développement des biotechnologies reste lent. Certains travaux — par exemple les manipulations génétiques — inquiètent une partie de la communauté scientifique. Le monde que nous préparons est aussi riche en espoir et en incertitudes qu'avant. Au fur et à mesure que les technologies avancent, le travail posté se développe et avec lui les troubles du sommeil, l'anxiété. Les machines de traitement de texte évitent les corrections de documents écrits, mais la masse de papier à produire augmente. Les satellites et les réseaux câblés vont permettre de diffuser des dizaines de programmes audiovisuels, mais personne ne sait qui les produira.

Quelles réponses apporter à ces défis des années 80 ? La tâche est urgente : les cris d'alarme se multiplient pour dénoncer notre retard dans ce domaine. Le dernier en date est celui de Maurice Nivat, professeur à l'université de Paris-VII (Jussieu). Dans un rapport consacré à l'enseignement de l'informatique remis cet été à Laurent Fabius, ministre de l'Industrie et de la Recherche, et à Alain Savary, ministre de l'Éducation nationale, il note : « L'informatique n'est pas vraiment prise au sérieux par la plupart des gens, hélas par beaucoup de chefs d'entreprises, d'universitaires puissants et décideurs. »

Même situation dans la production avec l'apparition d'automates et de robots : la main-d'œuvre très qualifiée manque, la reconversion des ouvriers spécialisés est très lente. Certaines industries comme l'automobile doivent faire face à un grave problème d'adaptation du personnel aux nouvelles machines. Le « plan productique » rendu public en octobre insiste sur la nécessité d'entreprendre une vaste action de formation professionnelle. Ici comme ailleurs, l'enjeu est de taille : éviter le divorce entre chercheurs et techniciens qui conçoivent systèmes et produits nouveaux et ceux qui devront les utiliser.

Points de repère
Câble : la fièvre

1983 : pour la France, c'est l'année du câble. Annoncé fin 1982, le programme ambitieux du gouvernement a été repris par une soixantaine de villes qui désirent se doter d'un réseau de télédistribution par câble. Parmi elles, Paris, Lille, Montpellier et Nice. D'ici 1985, 1,5 million de foyers devraient être reliés à ces réseaux.