Force économique qui a pu faire la preuve de son poids politique lors de diverses manifestations : ils étaient plus de 50 000 pour la première du genre, le 30 septembre 1982. Pierre Mauroy, le Premier ministre, en a pris acte, en appelant à ses côtés François Luchaire, professeur de droit et radical de gauche, pour animer la délégation interministérielle des professions libérales. Première initiative de cette délégation : la mise en place, le 22 septembre, d'une Commission permanente de concertation des professions libérales.

Concertation qui vient bien tard. Face aux manifestations successives des agriculteurs, des commerçants, des cadres et des petits patrons, le pouvoir a longtemps cru suffisant de dénoncer la montée des corporatismes. Mais les corporations ont réussi à se donner un double ciment : économique avec la lutte contre le fisc — récemment encore René Bernasconi, président de la CGPME, exigeait un référendum sur la fiscalité —, politique, avec la condamnation de l'interventionnisme socialiste.

De la CGC à la CGPME, la politisation des organisations représentant les classes moyennes est patente. Signe inquiétant pour le pouvoir en place, elle se révèle aussi payante sur le plan électoral, comme l'avait déjà montré la poussée du SNPMI lors des élections prud'homales de 1982. Élu grâce à l'appoint de ces couches moyennes, François Mitterrand a bien senti le danger : début octobre, le président de la République propose, par l'entremise de la télévision, de conclure un « contrat de confiance » avec les cadres. Première étape d'une reconquête ? La confiance se regagne plus difficilement qu'elle ne se perd.

Henri Gibier

Consommation

De l'animosité au dialogue

Quelle place donner à la défense des consommateurs dans une économie d'austérité ? Voilà la difficile question à laquelle on a essayé de répondre en 1983. Pour certains, le consumérisme est un luxe, que l'on peut s'offrir en période de croissance, mais qui pèse trop sur les entreprises lorsque la situation se dégrade. Pour d'autres, la crise est le moment par excellence où les consommateurs, dont le niveau de vie stagne, ont besoin d'une protection accrue.

Rétrogradation

Entre ces deux extrêmes, les pouvoirs publics choisissent une voie médiane. La consommation a toujours sa voix au gouvernement, mais c'en est fini du « ministère à part entière » dont se félicitait Catherine Lalumière. Depuis le 21 avril, celle-ci doit se contenter d'un secrétariat d'État, placé auprès du ministre de l'Économie et des Finances. Cette rétrogradation traduit une nouvelle donne : le consumérisme cède le pas aux priorités économiques.

Certains projets de réformes ne progressent que très lentement, notamment en ce qui concerne l'accès des consommateurs à la justice ou la refonte du droit de la consommation, sur laquelle une commission travaille depuis près de 2 ans. Un seul texte législatif d'importance est adopté, début juillet, sur la sécurité des consommateurs. La loi accroît et assouplit les moyens d'intervention de l'État pour contrôler — voire retirer du marché — les produits dangereux. Mais elle ménage les entreprises. Celles-ci ne sont pas tenues responsables en cas d'« utilisation anormale des produits » par les consommateurs, comme le prévoyait le projet initial.

Qualité

Autre initiative de nature autant économiste que consumériste : le lancement, au début de l'année, des contrats d'amélioration de la qualité. Ce sont des accords signés produit par produit, entre marques et associations de consommateurs, avec l'agrément officiel des pouvoirs publics. L'objectif poursuivi est clair : développer une concertation concrète entre partenaires et adapter les produits à la demande des consommateurs, mais aussi renforcer la puissance concurrentielle des entreprises sur les marchés intérieur et extérieur. Seule l'Union fédérale des consommateurs (UFC-Que choisir) refuse d'entrer dans le système : elle n'y voit qu'une mesure de protectionnisme larvé, et un chèque en blanc signé aux fabricants.