Les chefs d'établissement du premier degré (écoles) seraient alignés sur les directeurs d'écoles publiques ; ceux du second degré (collèges et lycées) seraient nommés par concertation entre le conseil d'administration, le conseil d'établissement et le recteur, après inscription sur une liste d'aptitude.

En résumé, la nouvelle école libre subventionnée serait constituée d'un réseau d'établissements scolaires dans lesquels l'État et les collectivités locales apporteraient l'argent, et une association privée les immeubles et, selon le mot d'Edmond Vandermeersch, le « savoir-faire éducatif », les trois partenaires se partageant le pouvoir.

C'est sur ce point que les propositions de A. Savary achoppent. Après un bref flottement, les responsables de l'enseignement catholique rejettent les propositions. Pour eux comme pour les responsables des écoles juives, le statut d'établissement d'intérêt public porte un germe mortel : la « mainmise de la puissance publique » sur l'initiative privée.

Fermeté et dialogue

Le 13 janvier 1983, A. Savary annonce sa décision de retarder l'ouverture des négociations et propose aux dirigeants de l'enseignement privé une période de « contacts directs » en vue de préciser les bases de ses propositions. Ces contacts ont lieu dès février. Le 1er juin, Pierre Daniel, président de l'Union nationale des associations de parents d'élèves de l'enseignement libre (UNAPEL), qui regroupe plus de 800 000 familles, est reçu en audience par François Mitterrand.

Le président de l'UNAPEL, comme le secrétaire général de l'enseignement catholique, le chanoine Paul Guiberteau, réussissent, tout au long de ces mois de contacts, d'escarmouches, de rencontres, et de discussions à défaut de négociations, à tenir un équilibre délicat entre la fermeté et le dialogue. Leur sens politique sauve — pour combien de temps ? — l'apparence d'une unité dans le camp de l'école privée. Non sans remous internes.

Si l'approche des élections municipales de mars 1983, par exemple, a pesé sur la décision de certains dirigeants de l'enseignement catholique au moment de rejeter les propositions d'Alain Savary, le président de l'UNAPEL et le chanoine Guiberteau sont parvenus à dissuader les éléments les plus durs de ce front de refus — le syndicat CFTC de l'enseignement chrétien en particulier — de se livrer à des démonstrations de rue dans la période préélectorale. Ils avaient tiré la leçon du rassemblement de Pantin, en avril 1982, où la présence ostentatoire de ténors politiques de l'opposition avait ému l'épiscopat et causé quelque gêne dans les rangs de leurs troupes.

Pour ne pas envenimer la situation, ils se sont efforcés de prendre leurs distances à l'égard de la classe politique de droite, tout en veillant à ne pas rompre le fil ténu noué avec le gouvernement. Comme s'ils avaient compris, au-delà d'intérêts immédiats, que la question scolaire ne trouverait des solutions durables en France que par l'effet d'un accord et d'un règlement avec une majorité de gauche.

Il n'est pas possible d'évaluer avec certitude le poids du problème sur les résultats aux élections municipales. La querelle scolaire semble s'effacer, sous les préaux, devant le chômage, l'inflation, les immigrés, la sécurité dans les villes. L'on peut seulement noter que les municipalités de gauche : Nantes, Brest, Pontivy, etc., qui s'étaient refusées à verser le forfait communal aux écoles privées, ont perdu la majorité.

Un mois après le scrutin, une circulaire du ministre de l'Éducation nationale a rappelé aux commissaires de la République les critères d'attribution de nouveaux contrats. La procédure d'inscription au budget est étendue au secteur privé pour la création de postes d'enseignants, et le nombre de contrats autorisés à la rentrée 1983 est limité à 500, contre 2 000 l'année précédente.

À petites touches, un changement se laisse deviner dans les perspectives d'emploi des enseignants et des personnels de l'enseignement privé. La création, en mai, d'un syndicat de la FEN destiné à les accueillir prépare des voies nouvelles, confirmées par la déclaration de Pierre Mauroy, le 2 septembre, indiquant que « des possibilités de titularisation seraient ouvertes aux maîtres de l'enseignement privé dans le budget 1984 ».