Autres imprécisions : la loi Guermeur ne règle pas la prise en charge du fonctionnement pour les élèves domiciliés sur une commune voisine ni pour les enfants des maternelles. Les nouvelles chambres régionales des comptes ont statué en des sens divergents au cours de l'été 1983. C'est assez souligner la complexité du problème.

Aussi le Premier ministre Pierre Mauroy pouvait-il invoquer « le degré de confusions » de la législation actuelle, lorsqu'il déclarait le 2 septembre 1983 à Bierne (Nord) que « les lois Debré et Guermeur sont complètement inadaptées à la situation actuelle ».

Grève de l'impôt

Le président de la République comme le ministre de l'Éducation nationale, Alain Savary, avaient affirmé, dès le début, leur intention de « convaincre sans contraindre ». Après six mois de rencontres avec tous les partenaires de l'enseignement privé et quelques-uns du secteur public, A. Savary traçait, le 4 août 1982, les grandes lignes de son action : la carte scolaire (établissements et sections offerts au choix des parents), le caractère des établissements, le statut des personnels, les activités éducatives. Le ministre de l'Éducation nationale se fixait une première échéance pour présenter les propositions destinées à ouvrir les négociations : la fin de l'année. Après 1982, l'année d'attente, venait 1983, l'année tournant.

Les tenants de la liberté scolaire mettent l'automne à profit pour montrer au grand jour leur capacité de mobilisation. À leurs yeux, le gouvernement « grignote » leurs droits et, par de multiples décisions, prises souvent par les recteurs ou les autorités académiques, mine souterrainement l'existence des établissements privés. Le refus d'ouvrir un centre de formation de maîtres du privé à Amiens est le prétexte d'une manifestation bien suivie à Paris. L'obstination d'une centaine de municipalités socialistes à ne pas verser les crédits de fonctionnement à quelque 200 écoles privées sous contrat d'association suscita protestations, défilés de rues — 20 000 personnes le 4 décembre 1982 à Nantes — et jusqu'à la menace d'une grève de l'impôt à Brest, Pontivy, Quimperlé, etc.

Un pouvoir partagé

Le climat n'est pas très bon lorsque, le 20 décembre 1982, A. Savary rend publiques ses propositions. Elles consistent pour l'essentiel à modifier la nature des rapports entre les établissements privés et l'État, rapports fondés sur la notion de contrats. À terme, les établissements privés devront choisir entre deux formules : soit accepter l'extinction du contrat et subvenir par eux-mêmes à leurs moyens d'existence, soit entrer dans un nouveau dispositif défini par leur insertion dans le service public sous la forme d'établissements d'intérêt public (EIP). Ce statut leur assurerait le financement par la collectivité publique. En contrepartie, ils acceptent de prendre place dans la « carte scolaire rénovée et assouplie ».

Écoles, collèges, lycées, qu'ils appartiennent au secteur public ou qu'ils soient EIP, constitueraient ensemble le réseau des établissements et la carte des formations offerts aux familles. Celles-ci pourraient inscrire leurs enfants, en principe dans un secteur donné, mais, éventuellement, dans une aire géographique plus large, correspondant à un « groupement d'établissements ». Ainsi la liberté de choix, totale dans l'enseignement privé actuellement (quand les écoles existent et si les frais de scolarité sont modiques) et nulle dans le secteur public, sauf dérogations, serait-elle admise pour tout le monde, à l'intérieur de certaines limites toutefois.

Les collectivités territoriales, communes, départements, régions, joueraient un plus grand rôle dans l'implantation des établissements scolaires et dans leur gestion. Leurs représentants siégeraient à côté de ceux de l'État et de ceux de l'association privée dans les conseils d'administration des EIP.

Dans les conseils d'établissement seraient aussi présents des parents, des enseignants, des élèves. Ce conseil définirait un « projet d'établissement » spécifique, où les activités à « caractère spirituel » pourraient trouver une place. Quant aux personnels, les clercs resteraient contractuels, mais les laïcs seraient intégrés dans les catégories correspondantes des titulaires de l'enseignement public, et, « en principe, sur place », c'est-à-dire sur le lieu où ils enseignaient auparavant.