Les défilés (les plus importants ont regroupé jusqu'à 15 000 étudiants et enseignants) ont cessé à l'approche des examens. Ces derniers ont eu lieu normalement, alors qu'à l'Assemblée nationale une longue bataille d'amendements opposait le ministre de l'Éducation nationale aux députés de l'opposition. Des 3 000 amendements déposés par ceux-ci, bien peu ont été pris en compte. Néanmoins, les députés ont siégé pendant près de trois semaines. Une sorte de record pour l'Assemblée.

Horaires
La pomme de discorde

Un décret adopté en Conseil des ministres le 31 août, publié au Journal officiel du 17 septembre, fixe les obligations de service des professeurs des universités, maîtres-assistants, chefs de travaux et assistants pour l'année universitaire 1983-1984. Ces obligations sont de 128 heures de cours ou 192 heures de travaux dirigés ou 288 heures de travaux pratiques. Ce décret a mis le feu aux poudres parmi les universitaires, qui ne veulent assurer que des cours et non des travaux dirigés ou des travaux pratiques, qui allongeraient leur service, alors qu'ils ont par ailleurs des tâches de recherche, d'administration, de suivi de dossiers... Ce décret, qui a reçu un avis favorable du Conseil d'État, avait été présenté, une première fois, au comité technique paritaire le 11 juillet, date à laquelle la délibération n'avait pu avoir lieu, faute de quorum en l'absence de représentants syndicaux.

Serge Bolloch

École privée guerre ou paix ?

Mais pourquoi donc la gauche a-t-elle pris le risque de rallumer la guerre scolaire ? Cette question n'en finit pas de courir aujourd'hui. Pas chez les laïques militants, qui réclament justice après vingt-trois ans de privilèges accordés, selon eux, à l'école privée par les gouvernements de droite. Mais chez nombre de Français, et pas seulement parmi les défenseurs convaincus de l'enseignement catholique, partisans avoués d'un statu quo sur des positions conquises, et verrouillées en 1977 au moyen d'une loi Guermeur adoptée précipitamment dans la crainte d'une victoire de la gauche aux législatives de 1978. Non, tous les sondages l'attestent : il existe une majorité dans la société française de 1983 pour estimer qu'après tout le modus vivendi scolaire constaté ces dernières années était acceptable. Préférable en tout cas aux brûlots jetés dans la poudrière d'une « guerre de Cent Ans » toujours prête à renaître.

Alors pourquoi ?

Le candidat F. Mitterrand avait promis la mise en place d'un « grand service public, unifié et laïque de l'éducation nationale ». Il y avait donc cet engagement, suffisamment imprécis pour recevoir des contenus divers, mais qui n'en correspondait pas moins, chez le président de la République et ses amis politiques, à la conviction que le dualisme scolaire ne devait pas être pérennisé.

Arguments

Il y avait aussi, à gauche, des arguments d'aspect plus technique, souvent ignorés de l'opinion publique. Connaît-on la disparité de traitement entre le secteur public et le secteur privé lorsqu'il s'agit de créer des postes financés par l'État, d'ouvrir des classes ou des sections ? La procédure est celle des crédits évaluatifs pour le privé, limitatifs pour le public. En clair, cela signifie que les établissements privés sous contrat ouvrent et recrutent, puis demandent à l'État de payer, tandis que les établissements publics ne peuvent se développer que si la dépense a été préalablement inscrite au budget de l'État.

Il y avait encore le vide juridique, ou, à tout le moins, le flou de la loi Guermeur au sujet des frais de fonctionnement des écoles privées sous contrat d'association, ou forfait communal. Ces charges incombent-elles à la commune, bien que celle-ci ne soit pas signataire du contrat (c'est le préfet qui signe au nom de l'État) ? Oui, a répondu le Conseil d'État en février 1982. Mais l'arrêt demeurait contesté. D'autant que la loi du 2 mars 1982 sur la décentralisation avait encore obscurci les données du problème, puisque les communes sont désormais tenues de ne couvrir que les dépenses « expressément prévues par la loi », ce qui n'est pas le cas du forfait communal.