La loi définit des organismes nouveaux, sortes d'observatoires des emplois qui devront être organisés en réseau sur tout le territoire. Ces organismes sont chargés de prendre en compte la nature aussi bien régionale que nationale des qualifications, des emplois, de prendre en compte et surtout de suivre leur évolution. Un échange beaucoup plus grand et rapide doit s'effectuer entre les établissements de formation et ces organismes afin de créer de nouvelles filières, d'en améliorer des anciennes et aussi de guider les étudiants dans le choix de leur cursus.

Un nouveau statut

Pour opérer cette mutation des établissements d'enseignement supérieur, la loi propose de faire participer à la définition de la politique des établissements les représentants des milieux économiques, sociaux et culturels de la région.

De nouveaux établissements doivent pour cela voir le jour ; ce sont « les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ». Ces derniers jouissent de la personnalité morale et de l'autonomie pédagogique, scientifique, administrative et financière. Ils peuvent assurer, par voie de convention, des prestations de services donnant lieu à rémunération, exploiter des brevets et des licences, commercialiser les produits de leurs activités et, dans la limite des ressources disponibles dégagées par ces activités, prendre des participations et créer des filiales. Il s'agit là de possibilités nouvelles permettant aux établissements d'établir directement des relations de nature industrielle et commerciale avec leur environnement à l'égard duquel ils pourront devenir prestataires de services.

Les moyens financiers versés par l'État dépendront des activités réelles des universités. On prévoit des comités pour évaluer les réalisations en matière de formation, de recherche et d'information scientifique et technique des établissements.

De plus, la structure des organismes de direction des établissements est modifiée. L'unicité du conseil d'université disparaît au profit de trois conseils spécialisés. Les étudiants sont représentés dans un conseil des études et de la vie universitaire. Les enseignants, eux, demeurent largement majoritaires dans un conseil scientifique. Un conseil d'administration « détermine la politique générale de l'établissement ». Dans cette dernière instance, les personnalités extérieures sont largement représentées. Ces trois conseils réunis en assemblée élisent le président de l'université.

Des critiques aux manifestations

Bien avant que ne soit connu le projet de loi, des critiques nombreuses sont apparues dans divers milieux. Il a d'abord été reproché au ministre de vouloir « supprimer » les grandes écoles. Les grandes écoles, qui souvent ne sont pas sous la tutelle du ministère de l'Éducation nationale mais sous celle d'autres ministères, ne sont pas concernées par l'ensemble des dispositions de la loi.

Autre critique, émanant d'universitaires : « Fallait-il faire une loi ? » Des enseignants estiment que quelques modifications de la loi de 1968 auraient suffi. D'autres pensent que la loi « n'apporte que peu de changement » et donc demeure pour eux inutile.

Le professeur Laurent Schwartz, qui vient de publier un ouvrage intitulé Pour sauver l'Université, affirme, dans une interview au journal le Monde, que « la dégradation de l'Université nous conduit au sous-développement, à la perte de notre identité nationale et de notre culture ».

Il est vrai que la professionnalisation des premiers cycles s'inspire beaucoup des enseignements dispensés dans les IUT ; quant à l'orientation, elle était déjà prévue dans la loi Faure même si elle a été peu mise en pratique.

Une mauvaise et tardive présentation du projet de loi a permis à toutes les rumeurs alarmistes de voir le jour. Dès le mois d'avril, des bruits circulaient annonçant contradictoirement l'instauration de la sélection et la dévalorisation des diplômes par un afflux d'étudiants.

Après les étudiants en médecine, des étudiants en droit ont commencé, dès le printemps, à descendre dans la rue pour manifester leur opposition au projet de loi avant son examen par le Parlement. Les abords du Palais-Bourbon et le quartier Latin sont très vite devenus des lieux de rencontres et souvent d'affrontements entre policiers et étudiants en colère. Des adhérents de mouvements de jeunes proches de l'opposition et de nombreux étudiants inquiets pour leur avenir ont édifié des barricades à Paris et en province.