Nouvelles étapes à la rentrée 1982 : la classe de première. Principaux objectifs : simplifier le choix des sections, rééquilibrer la place des disciplines en les adaptant à l'évolution des connaissances, retarder les orientations définitives et tenter de mettre fin à la suprématie des mathématiques et à la domination de la série C (mathématiques et sciences physiques). Dans cet esprit a été créée la classe de première S (scientifique) qui s'est substituée, en mêlant un peu des deux, à celles de C et de D.

Les nouvelles terminales s'inscrivent dans la continuité de la réorganisation, l'année précédente, des classes de première. Pour les littéraires, la section A ne comporte plus que trois séries au lieu de sept. Les économistes sont aussi regroupés et leur horaire de mathématiques est renforcé. Les terminales C et D sont maintenues pour les scientifiques.

Les modifications des classes de terminale n'entraînent pas de bouleversement dans l'organisation du baccalauréat. On a renoncé depuis longtemps au retour au baccalauréat en deux parties, préconisé en son temps par René Haby, et prévu pour la session de 1984. En revanche, le diplôme de 1984 ne sera plus accompagné des traditionnelles mentions. Elles disparaissent, pour éviter de trop favoriser l'accès à certains enseignements supérieurs. « Mais cette mesure pourra être revue », a déclaré Alain Savary.

Portrait
Savary, un homme de conviction

« Nous irons sans précipitation », avait déclaré Alain Savary, peu après son arrivée au ministère de l'Éducation nationale. Ce compagnon de la Libération, homme de la parole donnée, comme il l'a montré en 1956 en démissionnant du gouvernement de Guy Mollet pour protester contre l'arraisonnement de l'avion transportant Ben Bella, a respecté sa méthode. Longuement, le ministre a observé l'énorme machine qu'est l'éducation en France. Il a commandé des rapports et confié à des experts la tâche de conduire des missions de réflexions. En janvier 1983, A. Savary, après avoir écouté et réfléchi, manifeste son intention de changer en profondeur l'enseignement public, alors même qu'il commence à négocier avec les représentants de l'enseignement privé. Rappelant que le système scolaire « est fait pour les jeunes et non pour ceux qui doivent servir le système éducatif », le ministre a du mal à convaincre les personnels d'une nécessaire évolution des mentalités. Avec calme, A. Savary poursuit ce qu'il considère comme sa mission : lutter contre l'échec scolaire et mieux adapter les formations à l'emploi. Aux corporatismes qui se manifestent, de l'enseignement primaire à l'université, il oppose sa conviction. Sera-t-elle suffisante pour calmer des enseignants peu désireux finalement de voir l'école changer ?

Innovations discrètes

Peu enclin aux grandes réformes, le ministre de l'Éducation nationale n'en continue pas moins à réfléchir et à faire travailler des commissions. Les rapports sont maintenant nombreux sur son bureau. Les études de Soubré (décentralisation), Peretti (formation des maîtres), Legrand (collèges), Prost (lycées) sont en partie connues. Au vu des conclusions, le ministre décide des premières mesures d'application qui demeurent limitées. Quelques expérimentations sont encouragées dans les lycées et surtout dans les collèges, lorsque les enseignants sont volontaires (aménagement des horaires, décloisonnement des classes et des disciplines, travail en groupe, tutorat).

Pour ne pas heurter les enseignants et leurs syndicats, pour ne pas effrayer certains parents, et surtout faute de moyens financiers importants, les innovations restent cependant discrètes. Selon le ministre, qui refuse toute précipitation, les actions de formation continue des personnels doivent précéder tout effort de rénovation du système scolaire. Alors, pendant que les enseignants se forment, d'autres réfléchissent sur les contenus des enseignements.

En attendant des transformations à venir, les responsables d'établissements sont invités à pratiquer une plus grande ouverture sur leur environnement et à utiliser l'autonomie dont ils disposent. Chaque communauté scolaire doit, selon le ministre, définir par la concertation entre tous les partenaires (enseignants, parents, élèves, élus locaux) sa politique pédagogique et ensuite l'assumer. Objectif ambitieux dans un pays très centralisé, où les fonctionnaires sont habitués à obéir aux ordres émanant du pouvoir central.

Serge Bolloch

Supérieur
Une réforme pour les universités

Deux chiffres rendent compte du bouleversement qui s'est produit dans les universités françaises au cours des dernières années. En 1960, 200 000 jeunes aspiraient aux plus hautes fonctions en fréquentant l'université. Aujourd'hui, quelque 900 000 étudiants s'entassent dans les amphithéâtres et les salles de cours. Comme les autres pays industrialisés, la France a subi l'explosion numérique des années 60. Des jeunes en grand nombre ont envahi des établissements peu préparés à les recevoir. Le manque de locaux et l'absence d'enseignants en nombre suffisant ne sont pas les seuls problèmes.

Histoire
Le cri d'alarme

La colère du président de la République en août 1983 à propos de l'enseignement de l'histoire était motivée. François Mitterrand avait pris connaissance quelques jours auparavant des conclusions d'un rapport rédigé par un universitaire, René Girault, à la demande du ministre de l'Éducation nationale. Des mois d'investigation et des rencontres avec enseignants et élèves ont permis au rapporteur de rédiger un constat en forme de cri d'alarme. Selon lui, les difficultés datent d'une bonne quinzaine d'années. Elles mettent en cause, inégalement selon les établissements et les secteurs d'enseignement, certaines méthodes, des lacunes graves dans la formation des maîtres, des programmes trop ambitieux, et traduisent la « médiocrité d'adaptation du système éducatif à l'enseignement de masse ». La dénonciation d'un enseignement déficient n'est pas nouvelle. Déjà, en 1980, une ébauche de redressement a été opérée dans les deux dernières années de l'école élémentaire. Sans renoncer aux découvertes par les activités d'éveil, il était demandé d'apprendre aux enfants à situer dans le temps les éléments appartenant au passé en les localisant. Mais rien n'a été fait pour préparer les maîtres à cette évolution. Le ministre de l'Éducation nationale a compris qu'il fallait agir vite. De nouveaux programmes devront être établis pour donner plus de place à l'approche chronologique des événements, mais surtout l'exigence absolue demeure la formation des maîtres. À Alain Savary de tout mettre en œuvre pour stopper les carences de l'enseignement de l'histoire qui conduisent « à la perte de la mémoire collective des nouvelles générations ».

Un monde clos

L'institution universitaire assurait jusqu'aux années récentes la formation d'enseignants, de chercheurs et de quelques représentants des professions libérales (médecins, avocats, juristes). La diminution des postes d'enseignants ouverts aux différents concours de l'Éducation nationale conjuguée avec une augmentation des effectifs étudiants ont entraîné un malaise dans les universités.