Dans le droit fil de ces réflexions un ingénieur français a imaginé la carte à mémoire : l'idée consiste à introduire dans une carte une puce électronique dotée d'une intelligence (microprocesseur), d'une mémoire et de quelques contacts lui permettant de dialoguer avec un appareil lecteur. La mémoire garde la trace des transactions effectuées. Elle permet aussi de contrôler éventuellement l'usage de la carte, qui pourra être soumise à des plafonds d'utilisation ; par ailleurs, de consulter sur un appareil spécial les transactions que l'on a effectuées, de même que l'on consulte les souches de son carnet de chèques. Quant au microprocesseur, il permet essentiellement de vérifier que le code confidentiel tabulé par le client sur un clavier est correct, dans d'excellentes conditions de sécurité. Il est impossible, tout au moins à l'heure actuelle, à un fraudeur même très habile, même très équipé, de lire ou de modifier les informations contenues dans une carte à mémoire.

L'ensemble de la profession bancaire a lancé, en accord avec les PTT, des expériences de paiement électronique par carte à mémoire à Lyon, à Caen et à Blois. À la fin juin 1983, on comptait dans ces trois villes environ 33 000 cartes et 510 machines. Il reste à généraliser le système à toutes les cartes existant en France. Parallèlement, une course de fond est engagée pour la normalisation à l'échelon international de ce standard français...

Perspectives

Dans ce domaine des moyens de paiement, si mouvant et aux évolutions si rapides, les perspectives sont multiples. On doit citer le porte-monnaie électronique et la reconnaissance automatique de la signature.

Le porte-monnaie électronique est une application de la carte à mémoire. Pour les petits achats, il serait très onéreux d'associer une transaction complète (débit-crédit) à la fourniture du produit ou à la prestation de service. L'idée consiste donc à fournir des droits, qui seront ensuite épuisés au fur et à mesure de leur utilisation. Une fois la carte vide, une nouvelle transaction permet de la remplir de nouveau. Cette technique est déjà en usage sur certains publiphones (cabines de téléphone publiques) ; le titulaire de la carte achète le droit d'utiliser le téléphone à concurrence de 40 F. Il peut ensuite téléphoner autant de fois qu'il le souhaite en utilisant sa carte jusqu'à ce que la machine lui annonce que son crédit est épuisé. Le porte-monnaie électronique a un avenir certain dans des domaines comme le règlement des péages d'autoroutes, de dépenses de parking, ainsi que dans toutes les opérations que l'on pourra effectuer à partir de chez soi sur un terminal domestique équipé du lecteur de carte à mémoire : consultation du solde bancaire, de la météorologie, des petites annonces, des cours de Bourse...

Quant à la reconnaissance automatique de la signature, c'est le fruit de recherches menées de par le monde contre la fraude sous toutes ses formes : cartes volées, recopiées, falsifiées ou complètement fausses. On estime à environ 150 millions de dollars les pertes frauduleuses subies par les émetteurs de cartes bancaires dans le monde en 1982. L'une des conditions pour qu'une transaction soit sûre est que l'on puisse vérifier que la personne présentant la carte est bien son titulaire.

La formule la plus simple est évidemment de faire signer la carte par le titulaire au moment où elle lui est délivrée. Puis, lors de chaque transaction, le client appose sa signature sur la facturette et le commerçant n'a plus qu'à en vérifier la conformité. Les limites de cette méthode apparaissent très clairement, et les recherches ont conduit à développer le code confidentiel, technique présentant l'avantage d'être assez facilement mise en œuvre dans des automates (distributeurs automatiques de billets par exemple).

Toutefois, le code secret lui-même a ses limites, car il n'est pas probant juridiquement, et il peut très bien être volé en même temps que la carte. La signature, en revanche, fait bien partie intégrante de la personnalité humaine : elle est unique pour chacun, et si sa forme est relativement recopiable, son dynamisme (vitesse, accélération, etc.) est pratiquement inimitable. Des industriels ont étudié des systèmes capables, après qu'on a fait signer un individu sur une tablette, de dire automatiquement si oui ou non la signature correspond à la signature de référence, stockée par exemple en fichier central, ou... dans une carte à mémoire !