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Des micros aux superordinateurs

Partie d'outre-Atlantique, la grande vague des micro-ordinateurs continue de déferler sur la France. Nombreux sont ceux qui se passionnent pour ces petites machines qui permettent de jouer, de calculer, de dessiner, de se perfectionner en maths ou en langues étrangères et de se familiariser avec l'outil informatique, de plus en plus répandu dans tous les secteurs d'activités. Les choses bougent si vite qu'à peine sommes-nous familiarisés avec une machine qu'une nouvelle plus rapide, plus petite, plus maniable et moins coûteuse se profile à l'horizon. Entre le SICOB 1982 et celui de 1983, près de 40 micro-ordinateurs ont fait leur apparition sur le marché. Certains, comme le Sharp 1251, la Sanco TPC 8300, le Canon X07, le Texas Instrument CC40, se glissent dans un cartable. D'autres s'installent dans les foyers pour tenir les comptes du ménage et servir de compagnons de jeux, comme le T07 de Thomson, le Laser 2000, le Jupiter Ace ou le Apple II. D'autres enfin, plus performants mais plus coûteux, comme l'IBM PC ou le Goupil, aident le médecin, l'avocat ou l'agriculteur à résoudre leurs problèmes professionnels.

Le phénomène micro

Conscient, tardivement sans doute, du rôle prépondérant que l'ordinateur jouera dans notre vie de tous les jours, le ministère de l'Éducation nationale a décidé d'initier en masse les jeunes élèves à l'informatique. Entre septembre 1983 et septembre 1984, l'Administration projette de donner à 16 départements pilotes 6 000 micro-ordinateurs, répartis entre les classes primaires, les collèges et les lycées.

À Marseille, des centaines de micro-ordinateurs sont en cours d'implantation dans le quartier de la Belle-de-Mai, à l'initiative du Centre mondial de l'informatique de Jean-Jacques Servan Schreiber. Un millier devraient être installés à la fin de 1984. But de l'opération : familiariser l'ensemble de la population avec ce nouvel outil et observer les réactions de tout un chacun. Les premiers bénéficiaires sont les enfants des écoles. Des machines seront ensuite implantées dans les locaux des associations du quartier.

Sur le marché mondial de la microinformatique (environ 35 milliards de F), les Américains ont encore l'avantage, avec des firmes comme IBM, Hewlett Packard, Tandy et Texas Instrument, mais les Japonais les talonnent avec leurs compagnies Sharp et Sony. La France n'a fait qu'une timide apparition sur ce marché en pleine effervescence, avec le T07 de Thomson et le Goupil.

Vers l'ordinateur géant

À l'autre extrémité de la gamme informatique, du côté des ordinateurs géants, les choses commencent à bouger. Jusqu'à présent, les industriels de l'informatique avaient concentré leurs efforts sur les machines de taille moyenne, les « micro ». Or, de très grosses machines sont indispensables pour résoudre un certain nombre de problèmes spécifiques. Les militaires ont besoin d'ordinateurs extrêmement puissants pour effectuer en temps réel des calculs balistiques, pour simuler les effets des explosions atomiques, les comportements de systèmes d'armes complexes, pour tirer le maximum d'informations de clichés photographiques, etc. Les civils utilisent de très gros ordinateurs pour synthétiser les relevés météorologiques ou sismologiques, pour dépouiller les résultats d'études aérodynamiques, d'études de physique atomique ou de physique des plasmas.

Ce sont les Japonais qui ont donné le coup d'envoi de cette course vers les supermachines. Ils annoncent leur intention de mettre au point, d'ici à 1990, un ordinateur géant capable d'effectuer 10 milliards d'opérations arithmétiques par seconde, soit 100 fois plus que les machines en service aujourd'hui, et possédant une mémoire 50 fois plus importante que celles des plus gros ordinateurs actuels.

Les Américains, qui ont monopolisé jusqu'ici le marché des très grands ordinateurs (avec les Cray 1 et Cray X-MP et les Cyber de Control Data), ont décidé de riposter. Les recherches vont bon train dans plusieurs centres (Lawrence Livermore, Californian Institute of Technology), dans les universités (Columbia, Texas, New York) et à la DARPA, l'agence de recherche qui dépend directement du Pentagone. La France lance un projet de superordinateur scientifique, patronné par le ministère de l'Industrie et de la Recherche et par le ministère de la Défense. Baptisé MARIASIS, ce projet devrait aboutir en 1988 à un très gros ordinateur, moins puissant pourtant que ceux que projettent les Japonais. La réalisation de MARIASIS a été confiée à la Compagnie des machines Bull et à la Sintra, une filiale de la CGE.

La cinquième génération

Les Japonais lancent encore un second défi à l'informatique mondiale : la mise au point de machines intelligentes, que l'on appelle déjà « ordinateurs de la cinquième génération ». Les ordinateurs actuels peuvent calculer, résoudre les problèmes mathématiques, mais ils savent mal comparer des faits, analyser des résultats. Ils sont excellents pour établir un bilan, mais beaucoup moins aptes à prendre une décision ou à établir un diagnostic. Ils calculent mieux qu'ils n'infèrent ; ils sont incapables de reproduire les mécanismes de raisonnement de l'homme. Bref, ils ne sont pas intelligents. Les Japonais se proposent de mettre au point, d'ici à 1990, une machine capable de raisonner comme le font les experts, d'établir un diagnostic médical, de tirer les leçons de résultats d'expériences scientifiques, de proposer des solutions à des problèmes de management, etc., et, de plus, d'expliquer le chemin qu'elle a suivi pour arriver à telle ou telle conclusion. Les machines de la cinquième génération comprendront les langues naturelles ; on n'aura plus besoin, pour communiquer avec elles, de langages spécialisés et rébarbatifs comme le Cobol, le Fortran ou le Basic. Pour atteindre leur but, les Japonais ont créé un Institut spécialisé — l'ICOT — où se retrouvent les meilleurs informaticiens du pays.