Michel Rouzé

La guerre des vaccins anti-hépatite B

En marge de l'affaire du SIDA, la fabrication et la commercialisation du vaccin destiné à prévenir une des formes d'hépatite virale — l'hépatite B — soulève un litige scientifique à prolongements politico-économiques entre laboratoires français et américains.

Répandue sur toute la planète, l'hépatite B est une maladie grave non seulement par elle-même, mais aussi parce que, dans de nombreux pays (notamment en Afrique noire et en Asie), elle semble être à l'origine de cancers primitifs du foie, c'est-à-dire de cancers du foie ne constituant pas une métastase d'une tumeur déjà apparue dans une autre partie de l'organisme.

Plasmas

En 1975, le professeur Philippe Maupas et son équipe de l'institut de virologie de Tours mettaient au point un vaccin à partir de l'enveloppe virale seule, extraite du plasma de sujets atteints d'hépatite B. Essayé en France et au Sénégal, le vaccin s'avéra efficace à environ 90 % et d'une totale innocuité. Diverses circonstances semblent cependant retarder sa mise sur le marché : elle a enfin lieu en 1981, lorsque l'IPP (Institut Pasteur Production) entame la production industrielle. L'IPF (Institut Pasteur Fondation) n'y entre que comme participant minoritaire.

Pourtant, un expert auprès de l'OMS (Organisation mondiale de la santé), le docteur Alfred Prince, du Centre du sang de New York, estime que les critères français pour le choix des plasmas sont arbitraires et qu'il est possible de partir de plasmas beaucoup plus infectieux, si on sait les purifier et les inactiver. Il se trouve que c'est précisément un tel procédé qui est mis en œuvre par les laboratoires américains MSD (Merck, Sharp and Dohme), dont le vaccin apparaît sur le marché mondial quelques mois après le vaccin français.

Paradoxalement, le fait que l'IPP emploie un mélange de plasma recueilli en France et de plasma acheté aux États-Unis (ce dernier soupçonné de contamination par le SIDA) est allégué à l'encontre du vaccin français, bien que plusieurs dizaines de milliers de doses de ce vaccin aient déjà été utilisées sans qu'on ait enregistré d'accident. Des intérêts considérables sont en jeu, plusieurs pays devant signer des contrats avec l'un ou l'autre des deux concurrents. Accusée par des spécialistes français de favoriser le vaccin MSD, l'unité de produits biologiques de l'OMS proteste de son impartialité et met en cause la politique de secret qu'aurait pratiquée l'IPP, tant en ce qui concerne ses achats de plasma américain que pour la publication de ses méthodes de production et de contrôle des produits.

Michel Rouzé

Mythes et réalités du cancer

La concertation nationale sur le cancer, organisée par le ministère de la Santé, s'est achevée le 21 janvier au siège de l'UNESCO par une journée de synthèse au cours de laquelle diverses personnalités ont tenté de définir ce que devrait être une nouvelle politique en matière de cancérologie. Un groupe de travail, dirigé par le docteur Jean-Claude Salomon, préparera une série de propositions concrètes. Celles-ci devraient porter notamment sur les représentations du cancer dans la conscience sociale, sur l'organisation de la recherche et sur les centres de lutte contre la maladie.

Mythes

Souffrance, fatalité et peur sont les idées associées généralement au cancer, qui joue le rôle d'un mythe effrayant, autrefois tenu par la peste, puis par la tuberculose et la syphilis. Cependant, dans les conceptions les plus récentes, il n'existe pas un cancer, mais des formes de la maladie cancéreuse, diverses par leurs causes comme par les possibilités thérapeutiques qu'elles admettent. Le docteur Salomon a insisté sur le rôle des médias et la nécessité d'une éthique journalistique débarrassée « du sensationnalisme, du vedettariat et de la superficialité des propos ». Un autre problème éthique non résolu est celui de l'attitude à tenir avec le malade. Selon une enquête de la SOFRES, 44 % des médecins français estiment que « le malade a le droit d'exiger que son médecin lui dise la vérité », alors que 43 % pensent que « le médecin est le juge pour savoir s'il faut ou non dire cette vérité ».