L'Agence a approuvé la création d'un réseau européen de satellites météorologiques plus perfectionnés encore que les deux Météosat actuels. Ces engins, au nombre de trois, seront exploités par une organisation nouvelle : EUMETSAT. C'est la France — dont la participation de 22 % à ce programme est la plus forte — qui construira et les satellites et leurs lanceurs (Ariane 4). Voilà qui garnit les carnets de commandes de l'Aérospatiale, de Matra et de leurs sous-traitants.

Un essai à transformer

Au centre des vols habités de Houston, on n'en revient pas : une centaine de spécialistes européens se sont mêlés au personnel de la NASA. En Europe, on jubile : 10 ans d'efforts faits par 50 entreprises de 10 pays, des investissements de l'ordre de 5 milliards de F, tant de moyens et de soucis sont récompensés par ce Spacelab qui gravite autour de la Terre et qui y restera dix jours. Il ne s'agit certes pas d'un vaisseau spatial autonome, et moins encore d'un laboratoire permanent genre Salyout, mais d'une cabine amovible tributaire de la navette américaine. Grâce à lui, les savants européens entrent à leur tour dans la ronde. Eux aussi expérimentent désormais la fabrication dans l'espace de matériaux nouveaux, étudient le comportement de l'organisme en état d'apesanteur, mesurent les rayons cosmiques, observent le Soleil... Tout cela au moyen des nombreux instruments confiés par eux à l'Allemand Ulf Merbold.

Du coup, les médias se déchaînent et, un événement en chassant un autre, ils qualifient Merbold de « premier astronaute européen », comme si Jean-Loup Chrétien n'avait pas existé. Chacun a l'impression que la recherche spatiale vient de faire un grand bond. Pour les initiés, l'événement est ailleurs. L'Europe spatiale s'était donné un lanceur, Ariane, grâce à la France (65 % des investissements). Elle vient d'acquérir la maîtrise de la cabine spatiale grâce à la RFA (55 % du coût du Spacelab). L'ESA est ainsi à même de tenter la transformation de l'essai qu'elle vient de marquer, et ce en construisant son propre vaisseau spatial.

Ariane, de nouveau le succès

Deux tirs de la fusée européenne ont eu lieu en 1983. Le 16 juin, Ariane L6 a permis d'essayer avec succès l'adaptateur Sylda, spécialement conçu par l'Aérospatiale pour les lancements doubles : monté dans le nez du lanceur, ce dispositif porte les futurs satellites et les lâche séparément dans de bonnes conditions de sécurité. En l'occurrence, il s'agissait du EC 1 de l'EUTELSAT et d'Oscar 10. Le premier est un satellite de télécommunications qui, en plus de la retransmission des programmes de télévision destinés aux réseaux câblés, assurera les habituelles liaisons téléphoniques et télégraphiques. Oscar 10 constitue la participation allemande au réseau AMSAT de petits satellites dont le fonctionnement est réservé aux radioamateurs.

Lors du tir du 19 octobre, Ariane a lancé un satellite de télécommunications de l'INTELSAT, tâche jusqu'alors assumée par des lanceurs américains. Cette percée de la fusée européenne témoigne des progrès accomplis par la technologie de ce côté-ci de l'Atlantique.

En juin 1983, le carnet de commandes de la société Arianespace totalise 24 lancements de satellites, plus 15 options pour lesquelles des arrhes ont été versées, soit un total de 4,7 milliards de F. En 1982, pour la première fois, cette entreprise a enregistré un bénéfice d'exploitation (30 millions de F). La production actuelle est de 5 lanceurs par an.

France : le spatial en développement

Le développement de l'industrie spatiale en France et le succès que rencontrent ses productions requièrent une bonne organisation des branches promotion et vente à l'étranger. Huit filiales du CNES ont été fondées à cet effet avec le concours des banques et de quelques firmes importantes. Les dernières en date sont :
– Arianespace Inc., fondée en décembre 1982 pour la promotion des lanceurs Ariane aux États-Unis ;
– Spot Image Corp. (janvier 1983), chargée de la promotion et de la commercialisation aux États-Unis des images fournies par le satellite français Spot ;
– Interspace (janvier 1983), société d'ingénierie et d'essais en environnement spatial.

L'espace militaire

Une publication officielle, Armées d'aujourd'hui, dans son numéro de mars 1983, a levé un coin du voile qui couvre les activités et les projets spatiaux des Forces armées en France. Celles-ci considèrent comme indispensable de disposer — comme toutes les grandes armées actuelles — de satellites d'observation et de télécommunications. Mais, pour se doter d'au moins un satellite de chacun de ces deux types, il leur faudrait dépenser plus d'un milliard de F par an, ce que leur budget ne permet pas.