Journal de l'année Édition 1984 1984Éd. 1984

Dans le monde de la presse, Robert Hersant est en passe, lui, de devenir un personnage de feuilleton. Il prend, le 26 mars, la direction de France-Soir à titre temporaire, pour en évaluer les chances de survie. On parle d'un arrêt de l'entreprise ou de la mise sur pied d'un plan de relance dans un délai d'un mois et demi. Le déficit, qui était de 30 millions en 1977, passe à 60 millions en 1979 pour atteindre 93 millions en 1982. Et la vente continue à baisser... Mais ces chiffres sont contestés. Robert Hersant est cité à comparaître le 19 mai devant la 17e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris, pour infraction aux articles 1 et 7 de l'ordonnance du 26 août 1944. Depuis l'automne 1982, des polyvalents du ministère des Finances procèdent à des contrôles fiscaux de ses entreprises. Le 1er février, il est inculpé d'abus de biens sociaux à propos d'un yacht ayant appartenu à la Socpresse, et un redressement fiscal lui est imposé. Mais ces divers démêlés n'empêchent pas R. Hersant d'entrer au conseil d'administration du Soir de Bruxelles, à la suite d'une querelle de famille entre les propriétaires, et de procéder à une augmentation du prix de vente du Figaro (porté de 3,70 F à 3,80 F), alors que le ministre des Finances voulait que celui-ci reste bloqué. Estimant qu'il est en infraction à l'ordonnance de 1945, une procédure de poursuite pour pratique illicite est engagée. Mais cette discrimination des pouvoirs publics à l'égard du Figaro est généralement considérée comme une maladresse. D'autant que, quelques semaines plus tard, le Figaro est autorisé à porter légalement son prix à 3,80 F !

Nouveau

La réussite du Figaro Magazine et le fait que les news se portent bien incitent les éditeurs de journaux à réfléchir à plusieurs projets. France-Soir Magazine pourrait prendre de l'extension en devenant France Magazine. Un projet de publication d'une revue intitulée Cinq Millions est étudié par le Journal du Dimanche, avec le concours de la Voix du Nord, les Dernières Nouvelles d'Alsace, le Provençal, Sud-Ouest, le Progrès. Le Monde et Ouest-France renoncent, finalement, aux projets qu'ils avaient chacun mis en chantier. Seuls, les Nouvellesles Nouvelles littéraires, rachetées par Jean-Pierre Ramsay à Philippe Tesson — et Magazine Hebdo, publié par le groupe Média, viennent augmenter le nombre des news déjà existants.

Quatre quotidiens nationaux considérés comme n'ayant que de faibles ressources publicitaires bénéficient d'une aide exceptionnelle de l'État : la Croix, l'Humanité, Libération et Présent. Comme les années précédentes, le Quotidien de Paris la refuse.

Le 29 novembre, le gouvernement adopte un projet de loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse.

Procès

La LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme) perd en première instance le procès qu'elle intente au Monde pour provocation à la haine raciale et diffamation raciste après la publication d'une page publicitaire intitulée : « Après les massacres du Liban, le sens de l'agression israélienne ». À la suite de la publication d'une lettre de lecteur dans Libération, elle assigne Serge July, qui est condamné à 5 000 F d'amende et 5 000 F de dommages et intérêts. Par ailleurs, Serge July est débouté par la 1re chambre du tribunal civil de Paris des actions en diffamation qu'il avait engagées contre Jacques Chirac, maire de Paris, et Jean Tiberi, premier adjoint. Reprenant des accusations formulées par Minute — qui valent deux condamnations à l'hebdomadaire —, le Quotidien de Paris est condamné pour diffamation envers Georges Lemoine, maire de Chartres (PS), secrétaire d'État aux départements et territoires d'outre-mer. Valéry Giscard d'Estaing et son épouse voient rejetée leur demande de saisie du Meilleur faisant état de rumeurs les concernant, mais ils obtiennent chacun 50 000 F de dommages et intérêts de cet hebdomadaire.

Trente-huit ans après la fin de la guerre, la découverte de soixante carnets secrets de la main de Hitler, miraculeusement retrouvés par les enquêteurs du magazine allemand Stern — et notamment Gerd Heidemann —, paraît être le scoop du siècle. Alors que leur publication débute le 5 mai, le Sunday Times en achète les droits pour l'Angleterre et Match pour la France. Mais, très vite, leur authenticité est mise en doute, et, le 6 mai, les autorités de Bonn, après expertise des services officiels, annoncent que les carnets secrets sont des faux. La direction de Stern, qui a payé ces documents quelque 9 millions de marks, porte plainte pour abus de confiance contre Gerd Heidemann, et les deux rédacteurs en chef de la revue démissionnent. Un collectionneur assez obscur d'objets et de documents nazis, Konrad Kujau, se révèle finalement être à l'origine de toute l'affaire. Il reconnaît avoir rédigé lui-même ces carnets, mais la question de la réalisation d'un faux d'une telle importance — dans un but de désinformation — par les officines spécialisées de RDA reste posée.