Journal de l'année Édition 1984 1984Éd. 1984

Là sans doute est l'enjeu capital, le défi, auquel sont confrontées aussi bien les sociétés du service public (et notamment la puissante Société française de production) que les entreprises privées. La concurrence qui va se développer de plus en plus entre les deux secteurs obligera sans doute le premier à se rénover pour accroître sa productivité et le second à produire à un haut niveau de qualité technique. Restent les créateurs, qui devront tenir compte des nouvelles données et penser à une diffusion au-delà de l'Hexagone.

Ils y seront aidés par l'orientation donnée en 1983 à son action par Jack Lang, ministre délégué à la Culture. Pour la première fois, ses services ont chiffré ce que représentent les industries culturelles (de la facture instrumentale au livre, au cinéma et à l'électronique grand public) dans l'activité économique du pays, déficit commercial compris. Et des mesures sont prises pour aider au développement de ces industries. Un langage et des objectifs nouveaux qui hérisseront le poil de certains, dans un milieu où l'on a toujours associé création et mécénat, qu'il vienne des princes ou de l'État. Là encore, la pensée des gouvernants socialistes, la crise aidant, s'est notablement infléchie.

Yves Agnès

Médias

Presse

La crise des quotidiens

Comment va la presse ? Pas très bien, en ce qui concerne les quotidiens nationaux, qui accusent une baisse d'audience de 10,6 %, si l'on se réfère au rapport du CESP (Centre d'études des supports de publicité) analysant trois études effectuées auprès de 15 414 personnes ; pas trop mal, pour les quotidiens régionaux, en progression de 1,2 %, et les périodiques, qui connaissent une relative stabilité. Le marché des hebdomadaires de télévision constitue un créneau en pleine expansion. Les quotidiens nationaux sont donc victimes de la crise ? Bien entendu, comme toutes les autres formes d'activité commerciale. Mais certains doivent également affronter des dissensions internes.

Pour le Monde, la marge brute de l'exercice 1982 est déficitaire d'un peu plus de 3 millions de F. La diffusion (contrôle OJD : 400 168 exemplaires) est en baisse de 8,87 % par rapport à l'année précédente. Les résultats négatifs risquent de s'accentuer en 1983. L'Équipe enregistre une baisse de 10,2 %, la Croix de 14,2 %, le Matin de 26,4 %. Dans ce dernier journal, alors que Jean-François Kahn quitte les fonctions de directeur de la rédaction qu'il a exercées pendant trois mois, la rédaction demande que soit conservé un « ancrage à gauche ». Après la suppression de trente postes dans le secteur fabrication, la direction propose un plan d'économie — licenciements, blocage des salaires et diminution régressive pour certains — qui provoque des mouvements de grève.

Libération, qui se situe à un niveau moyen de 90 000 exemplaires — ce qui représente une progression de 30 % —, enregistre une perte de 10 millions de F pour 1982. Pour combler ce déficit, le journal s'ouvre à vingt prises de participations extérieures, qui entraînent une augmentation de capital de près de 5 millions ; 5 autres millions doivent être versés en compte courant, bloqués et rémunérés au taux de 7 %. En outre, un accord est signé avec Régie Presse, filiale de Publicis. Il a pour but de porter à 25 millions de F les recettes publicitaires du journal, alors qu'elles sont actuellement de 8 millions environ.

À l'AGEFI-Nouveau Journal, des grèves surviennent à la suite du plan de restructuration.

L'AFP connaît également de sérieuses difficultés. Un plan d'économie de 10,8 millions de F — prévoyant la suppression des chapitres primes et promotions du budget 83 — est adopté par le conseil d'administration. Des arrêts de travail se produisent à l'appel de l'intersyndicale. Pour tenter de trouver de nouvelles ressources, trois nouveaux services sont créés : le fil rouge, dans le but de fournir des informations aux décideurs politiques, diplomatiques, économiques ; le service sport mondial ; le service magazine mondial, qui se propose de vendre articles et grands reportages aux quotidiens du 7e jour. Dans le but de développer des banques de données et de mettre sur pied un réseau mondial de transmission à haute capacité, l'État accorde à l'agence un prêt de 100 millions sur cinq ans.