En aval de Brahms, R. Strauss a marqué 1983. Hasard des programmations ou connivence de sensibilités ? Voici L'Elektra, reprise de 1980, à Marseille (26 mars), qui aligne trois monstres sacrés, Astrid Varnay, Leonie Rysanek et Bérit Lindhom. À Paris, le 10 juin, la version concert de Salomé (direction Michel Plasson) est très applaudie, mais plus réussies seront les représentations de La femme silencieuse (Opéra de Lyon, fin juin), d'Ariane à Naxos, salle Favart (mise en scène J.-L. Martinoty et direction Jeffrey Tate). Le festival de Glyndebourne programme le très ingénieux Intermezzo, où brille Felicity Lott, l'un des noms les plus prononcés au cours de 1983 (dans La veuve joyeuse, au TMP, dans Louise, en janvier, à Bruxelles notamment).

En amont du Viennois d'adoption que fut Brahms, un autre Viennois de génie, Mozart : Barenboïm et Ponnelle réalisent un beau Cosi fan tutte (Paris, 16 juin) ; Aix-en-Provence découvre pour la première fois en France Mitridate, Idoménée triomphe à Glyndebourne — sous la baguette du chef d'orchestre néerlandais Bernard Haitink et, un mois durant, les marionnettes de Salzbourg ravissent au Ranelagh.

Salzbourg, Salzbourg, rien de très neuf de ce côté-ci, mais quelle merveilleuse initiative d'avoir invité la soprano américaine Teresa Stich-Randall à Aix (juillet) : dès 1953, elle s'était affirmée comme une incomparable mozartienne. Après avoir évoqué Mozart, rendons hommage à Gluck, très méconnu. Le 14 février, Cecilia Gasda chante à la Scala Les pèlerins de La Mecque. C'est un succès. La nouvelle marque de disques Orfeo associe Jessye Norman et Nicolaï Gedda dans un passionnant Alceste ; Alceste prévu en 1984 à Genève par P. Luigi Pizzi tandis qu'à Paris et à Lyon on découvrira Iphigénie en Tauride. Va-t-on vers un retour de Gluck ?

Anniversaires

Chefs d'orchestre et solistes en tournées, anniversaires en tous genres se sont succédé. Il y a dix ans disparaissait Otto Klemperer, il y a cent ans naissait Ernest Ansermet (Lyon s'en est souvenu avec l'Orchestre de la Suisse romande le 14 novembre), Karajan fête ses soixante-quinze ans et la Philharmonie de Berlin ces cent ans (précieux coffret de disques Deutsche Grammophon), Georg Solti dirige à Paris (février, avec l'Orchestre philharmonique de Londres), mais également Dutoit, Sinopoli, Kubelik, Z. Mehta (septembre, à la tête de l'Orchestre philharmonique d'Israël) ; le jeune Jeffrey Tate électrise Les noces de Figaro de Mozart à Genève (février), on le réentend à Paris en juin dans Ariane à Naxos. Du côté des pianistes, la musique fête deux octogénaires, Rudolf Serkin et Claudio Arrau (ce dernier à l'Opéra de Paris, le 5 juin) et intronise une vedette en pleine ascension, le jeune Yougoslave Ivo Pogorelich (19 avril, Champs-Élysées), et Friedrich Gulda fait un come-back remarqué à Pleyel (26 octobre).

Musique légère et contemporaine

La veuve joyeuse poursuit sa belle carrière au TMP jusqu'à la mi-février 1983. Malgré I. Cotrubas, La chauve-souris de Johann Strauss, dans une mise en scène de Richard Foreman, déçoit au Palais Garnier (février). P. Danais et J.-C. Pennetier, en revanche, réussissent l'opération de la Péniche-Opéra. Mais c'est surtout Offenbach qui triomphe avec La belle Hélène croquée par Jérôme Savary (salle Favart, avril) et trois petits actes pétillants : Il signor Fagotto (La Potinière, à partir de juin), Un mari à la porte (Essaïon, juillet), Apothicaire et perruquier (Théâtre de Dix-Heures, juillet).

Offenbach attire par son charme « bien de chez nous ». Sur un plan plus sérieux, Berlioz, autre Français, est désormais au rendez-vous de Lyon chaque année (en 1983 avec La damnation de Faust). Berlioz inaugure une nouvelle saison, dont Messiaen est le héros, où voix et musique contemporaine s'épousent. On en retrouve les traces l'année durant, année qui aurait dû fêter... le centenaire de la naissance d'Edgar Varèse, l'un des principaux novateurs du siècle. Marginal, Varèse l'a été sa vie durant, mort il le demeure en dépit de l'hommage du premier festival Musica 83 (Strasbourg) et de la publication de ses Écrits (Bourgois).