La destruction le 19 août dans le golfe de Syrte de deux de ses avions de chasse par des appareils de la VIe flotte constitue un avertissement que M. Kadhafi ne peut plus prendre à la légère. Le duel aérien au-dessus de ce que les Libyens considèrent comme leurs eaux territoriales est d'autant plus significatif qu'il intervient le jour même de la signature à Aden d'un traité de défense commune entre la Libye, le Yémen du Sud et l'Éthiopie.

La première réaction du colonel Kadhafi est de s'orienter vers une alliance formelle avec Moscou. Il laisse entendre le 1er septembre 1981 qu'il est prêt à engager des pourparlers dans ce sens avec l'URSS, mais les dirigeants soviétiques ne semblent guère enthousiastes.

Évacuation

De toute façon, la Libye a déjà mis pas mal d'eau dans son vin, en rétablissant les relations diplomatiques avec le Maroc et en renouant avec l'Iraq. Elle entend rassurer ses voisins africains et améliorer son image de marque, à quelques mois de l'éventuelle élection (août 1982) du colonel Kadhafi à la présidence annuelle de l'OUA.

La France, avec laquelle Tripoli souhaite normaliser les relations, fait savoir en octobre 1981, par la bouche du ministre de la Coopération Jean-Pierre Cot, qu'une telle éventualité ne peut être envisagée tant que la Libye demeurera « une menace pour certains de nos amis en Afrique et particulièrement au Tchad ».

Le 3 novembre, le colonel Kadhafi, répondant au souhait formulé par Paris, ordonne aux troupes libyennes stationnées au Tchad de quitter immédiatement le pays. Le retrait libyen sera rapide et total. Tripoli reconnaît ainsi l'échec de son opération de paix au Tchad (Journal de l'année 1980-81). Visiblement, les Libyens n'avaient pas les moyens techniques et humains nécessaires à une telle entreprise.

Le colonel Kadhafi entend également mettre un terme aux dépenses découlant de la présence de ses troupes au Tchad, au moment où la guerre économique déclenchée par les États-Unis commence à porter ses fruits. Les sociétés américaines ont en effet, à l'appel de Washington, réduit considérablement leurs achats de brut libyen, provoquant ainsi la baisse de la production de la Jamahiriya, qui passe de 1,6 million de barils/jour à 600 000 seulement.

Normalisation

La chute des revenus escomptés pour 1981 — de 33 à 7 milliards de dollars — menace le nouveau plan quinquennal 1981-1985. La Libye est contrainte, fin 1981, de réduire considérablement les importations de certains biens de consommation.

Poursuivant sa campagne antilibyenne, le président Reagan engage en décembre 1981 une véritable épreuve de force avec le colonel Kadhafi, qu'il accuse d'avoir eu l'intention de le faire assassiner et de vouloir déstabiliser certains pays africains. Les gouvernements européens refusent cependant de participer à la croisade américaine, et Paris décide de normaliser ses relations avec la Libye.

Peu à peu, la Jamahiriya rompt son isolement : Riyad et Accra renouent en janvier 1982 avec Tripoli ; après la mort du président Sadate, son successeur, le président Moubarak, a fait savoir que l'Égypte ne fera pas la guerre à la Libye. Le chef de l'État égyptien prône la modération au président soudanais Nemeiry, qui accuse Tripoli de nourrir de sombres desseins.

Embargo

La visite que le colonel Kadhafi effectue à Tunis du 23 au 27 février — à l'issue d'un voyage moins fructueux à Alger — permet la relance de la coopération entre les deux pays, qui viennent de régler leur contentieux au sujet du golfe de Gabès grâce à l'arbitrage de la Cour internationale de La Haye. Celle-ci confirme dans ses grandes lignes le statu quo favorable à la thèse libyenne. Enfin, le Niger et la Libye rétablissent le 1er mars 1982 leurs relations diplomatiques, rompues en janvier 1981.

Début mars, cependant, le colonel Kadhafi s'en prend à nouveau, avec une rare virulence, à l'Arabie Saoudite, dont il critique la politique pétrolière, « grave source de danger pour les autres producteurs de naphte ». Le chef de l'État libyen accuse en fait Riyad de participer activement à la guerre économique déclenchée par les États-Unis contre la Jamahiriya.