Les grandes associations islamiques ne sont connues de l'opinion internationale que par le biais de leurs manifestations explosives (attentats, exactions fanatiques, etc.), le plus souvent attribuées à des « groupuscules d'excités ».

En réalité, véritables franc-maçonneries omniprésentes, rompues à la clandestinité, les grands mouvements intégristes contrôlent un vaste réseau d'institutions économiques, sociales, culturelles et politiques. Ils déploient une propagande de tous les instants, peu perceptible de l'extérieur.

La partie immergée de l'iceberg est impressionnante. Hassan el-Banna définissait ainsi l'AFM : « c'est une réalité mystique, un organe politique, une association athlétique, une société scientifique et culturelle, une institution économique et une idéologie sociale. »

Stratégie

Et de fait, certaines organisations intégristes contrôlent des unités de production, des écoles, des clubs sportifs, des hôpitaux, des groupes d'entraide sociale, des mosquées, et possèdent leurs propres services de renseignements et leurs commandos paramilitaires, dont l'existence est souvent ignorée des militants civils.

Des cellules secrètes existent à tous les échelons de l'appareil d'État, de l'armée et de l'université. Dans les villages, les quartiers des villes et les entreprises, les sympathisants sont rassemblés autour des militants aguerris dans des groupes, ou comités islamiques, parfois armés.

La plupart des initiatives politiques apparemment brouillonnes prises par les intégristes s'inscrivent en réalité dans le cadre d'un plan global longuement mûri. C'est ainsi que l'AFM — aussi intransigeante sur les principes que pragmatique dans l'action — opte traditionnellement pour une stratégie politique en trois étapes, devant conduire à la prise du pouvoir :

– Prêches (dans les mosquées), prières collectives à thèmes (y compris parfois dans certaines artères des grandes villes), propagande, destinées à imbiber les masses des thèses intégristes.

– Recrutement de supporters, entraînement de recrues (parfois dans le désert), mobilisation. Actions ponctuelles, par exemple à l'encontre des non-musulmans, pour remuer les foules et donner aux militants conscience de leur force. Pétitions, tracts, pressions destinées à obliger les autorités à islamiser de plus en plus la législation, ce qui facilitera davantage encore le travail de l'AFM.

– Assassinats, attentats, batailles de rues, émeutes, destinés à « pourrir la situation » avant de porter le coup fatal au régime en place.

Les principaux groupes

La multiplicité des mouvements intégristes, la pluralité des tendances qui coexistent au sein de certains d'entre eux — comme l'AFM en Égypte ou le PRI (Parti républicain islamique) en Iran — sont cependant sources de bien des conflits fratricides.

Une première fracture sépare les sunnites — qui reconnaissent la légitimité de tous les califes qui ont précédé et succédé à Ali ibn Abi Taleb, gendre du Prophète — des chiites, partisans inconditionnels de Ali et de ses descendants.

L'AFM dans la plupart des pays arabes, Al Takfir wal Higra en Égypte, le parti de la libération islamique au Moyen-Orient sont les principaux mouvements intégristes sunnites. Le PRI en Iran et Amal au Liban, qui se réclament de l'imam Khomeiny, sont en revanche chiites.

Parti républicain islamique (PRI)

Seul parti intégriste au pouvoir, le PRI a été créé en Iran fin 1979 par plusieurs chefs religieux, sous l'impulsion de l'ayatollah Mohamed Behechti.

Violemment opposé à la droite libérale et à la gauche marxiste, le PRI noyaute partiellement les comités islamiques, la milice populaire des Gardiens de la révolution, et les bandes armées de hezbollahis qui terrorisent les partis d'opposition. Joumhouri Islami (République islamique) est l'organe officiel du mouvement.

Quoique ayant réussi à contrôler successivement le Parlement (depuis mai 1980), le gouvernement (depuis août 1980) et la présidence de la République (depuis juillet 1981), le PRI a été très durement frappé par une série d'attentats, qui ont notamment coûté la vie à l'ayatollah Behechti, à une dizaine de membres du gouvernement, à une vingtaine de députés (28 juin 1981) et au président Mohamed Ali Radjaï (30 août 1981).