Journal de l'année Édition 1982 1982Éd. 1982

Puis, en mars, les élections cantonales virent un nouveau et net succès de l'UDF et surtout du RPR. Le parti socialiste, premier parti de France, améliora certes ses positions, mais le PC confirma son déclin. L'opposition devançait d'un souffle la majorité en voix et, en sièges, comptait 10 présidences de conseil général supplémentaires. Pour la gauche, ce fut à la fois un premier avertissement et la fin du plaisir de la victoire. Personne n'avait oublié comment le parti Socialiste avait jadis bâti son triomphe de 1981 sur des succès continus aux élections partielles ou locales.

Pour l'opposition, ce fut une prime à la combativité et la confirmation que l'unité était payante. Toutes les formes de protestation sociales et catégorielles en furent aussitôt encouragées. D'une certaine manière, le septennat commençait.

Au sein de la majorité, cette période se caractérise par un net déséquilibre entre le parti socialiste et le parti communiste. Le premier consolide ses positions. Il recrute, il s'installe, il caracole en tête des formations politiques. Le rôle du parti du président ne convient guère à son tempérament, mais il n'a pas épuisé toutes les joies du succès.

Le PC, dont le recul se confirme et dont les pertes ne sont plus compensées par les gains socialistes, se montre pour le moment d'un loyalisme irréprochable.

À la fête de l'Humanité, en septembre, Roland Leroy, le responsable du quotidien du PC, a bien avoué que le parti communiste ne devait pas se sentir un « parti de gouvernement ». Mais Georges Marchais a proclamé le contraire au 24e congrès.

La direction a bien écarté des journalistes communistes mal pensants et décrété qu'Henri Fiszbin et ses amis oppositionnels de Rencontres communistes s'étaient mis eux-mêmes « hors du parti », le groupe communiste à l'Assemblée nationale se comporte en fraction de la majorité. Les ministres communistes — leur chef de file, Charles Fiterman, au moins — se montrent bons gestionnaires. Le parti communiste reçoit quelques postes dans la fonction publique, le secteur nationalisé et l'audiovisuel.

L'Humanité critique parfois la politique étrangère de la France ou les « timidités » économiques du gouvernement. Le PC s'est bien distingué carrément du PS à propos de la Pologne et du pacifisme (qui lui a permis en juin de rassembler, pour la première fois depuis longtemps, une foule importante). Mais, en fait, le PC a, cette année, visiblement ménagé le gouvernement et le président, laissant à la CGT, dont Henri Krasucki est devenu le no 1 en titre, le soin d'exprimer ses protestations. Le PC n'a certes pas apprécié les mesures économiques des dernières semaines de juin. Il a resserré le contrôle sur ses troupes. Dans l'immédiat, il ne peut tenter de stopper son recul qu'au sein de la majorité. La protection de ses places fortes municipales passe par la solidarité. Il ne l'ignore pas.

Cantonales et présidences des conseils généraux

C'est en prévision des consultations électorales des 14 et 21 mars 1982 que le gouvernement décide de remodeler la carte cantonale de la France. Une série de décrets, publiés en janvier et février 1982, modifient les limites de 203 cantons et portent le nombre total des cantons à 2 029 (soit 164 de plus qu'auparavant).

Le remodelage est partiellement motivé par le souci de tenir compte des modifications démographiques survenues dans certaines zones urbanisées : Caen, Vannes, Angoulême, Verdun, Aix-en-Provence, Brive, Tulle, Ajaccio, Clermont-Ferrrand, Dunkerque, Metz, Roubaix et Marseille.

Les élections cantonales des 14 et 21 mars 1982 ont pris un relief particulier en raison des compétences nouvelles attribuées aux conseils généraux. La loi du 2 mars 1982 prévoit en effet que le président du conseil général remplace désormais le préfet comme organe exécutif du département, chargé notamment d'établir le budget départemental.

Opposition

Au sein de l'opposition aussi, l'unité est de règle et ne va pas non plus sans arrière-pensées. Jacques Chirac a dominé, cette première année, l'ancienne majorité. Étant moins affecté par la défaite de 1981 que les giscardiens, dirigeant un mouvement mieux organisé et mieux discipliné, il a multiplié les initiatives : conférences de presse dès la rentrée de 1981, animation électorale, interventions à l'Assemblée et à la télévision. Principal leader de fait dans le camp de droite, il s'en est pris à François Mitterrand en personne lors de la seconde dévaluation. Cela a mis fin à une période de respect mutuel. Le président du RPR ayant traité d'« irresponsable », c'est l'un de ses mots familiers, la gestion socialiste, le chef de l'État en a été offensé. Il n'avait auparavant déjà guère apprécié de se voir qualifié de « chef de la majorité ».